Facteurs de rendement humain pour les travaux et la maintenance élémentaires

Étude de cas nº 2 - rupture en vol (capot)

Rapport du Bureau de la sécurité des transports du Canada nº A95W0180

Beech King Air 100
Edmonton (Alberta) 50 NM N
Le 26 septembre 1995

Résumé

Le Beech King Air 100 effectuait un vol d'évacuation médicale (MEDEVAC) de nuit selon les règles de vol aux instruments (IFR) entre Fort McMurray et l'aéroport municipal d'Edmonton (Alberta). Alors qu'il franchissait la barre des 18 000 pieds en descente à une vitesse indiquée d'environ 200 nouds, l'avion a commencé à tourner autour de son axe et à vibrer de façon excessive. L'équipage de conduite a remarqué que la section arrière supérieure du capot du moteur gauche s'était détachée et qu'elle s'était logée contre le bord d'attaque de l'aile gauche, du côté extérieur du moteur. L'équipage a déclaré une situation d'urgence, a poursuivi la descente à une vitesse indiquée de 150 nouds et a atterri sans autre incident; personne n'a été blessé. Le capot détaché est tombé sur la piste pendant l'atterrissage. L'examen visuel de l'empennage, effectué par la suite, a permis de déterminer qu'une section de 22 pouces de l'extrémité de la gouverne de profondeur gauche s'était également détachée de l'avion avant l'atterrissage.

Autres renseignements de base

Au moment de l'accident, le ciel était clair, les conditions de vol étaient normales et les vents de surface étaient faibles. L'avion servait aux vols d'évacuation médicale; c'est pourquoi on le ravitaillait et le mettait dans un hangar pour pouvoir l'utiliser rapidement. Les deux membres de l'équipage de conduite possédaient les licences nécessaires au vol, conformément aux règlements. Le commandant de bord totalisait quelque 2 500 heures de vol sur un King Air, le copilote environ 80 heures de vol sur type.

On avait téléphoné au commandant de bord et au copilote chez eux vers 0230, heure avancée des Rocheuses (HAR), pour leur demander d'effectuer le vol. Ils sont arrivés à l'aéroport à 0300, ils ont remorqué l'avion hors du hangar et ont effectué l'inspection prévol dans une zone partiellement éclairée de l'aire de trafic. Le commandant de bord a ouvert le capot du moteur droit, il s'est assuré que le bouchon de remplissage d'huile était bien fermé, et il a refermé et reverrouillé le capot. Le copilote a effectué la même inspection sur le moteur gauche. Le commandant de bord a participé à l'inspection du moteur gauche en utilisant sa lampe de poche lorsque l'éclairage de la lampe du copilote a commencé à diminuer. Le copilote a ensuite fermé le capot gauche, et il croyait l'avoir verrouillé de la façon normale. L'inspection prévol s'est terminée une demi-heure environ avant l'arrivée des passagers, et rien n'indique que l'inspection ait été effectuée à la hâte. 

L'avion est parti de Fort McMurray à 0355 avec les deux pilotes et trois passagers. L'avion est monté au niveau de vol 200 (FL200), puis il a poursuivi sa route sans incident pendant 45 minutes environ. Au cours de la descente vers Edmonton, le capot s'est ouvert et s'est détaché du fuseau moteur. 

Le capot arrière supérieur du King Air 100 est constitué d'un panneau courbé d'une longueur de 30 pouces environ. Il est fixé au moyen de deux charnières du côté gauche et de deux fixations du côté droit. Le capot bascule vers le haut et vers l'extérieur à partir du côté intérieur du fuseau gauche afin d'exposer la chambre de tranquillisation et les accessoires du moteur turbopropulseur PT6 de Pratt & Whitney.

L'avion était équipé de fixations de capot (référence H296K854) fabriquées par Hartwell Corporation et expédiées à Beech pour la production de 1967 à 1970. Ces fixations ont été remplacées en 1970 par des fixations portant la référence H296K1135, les fixations portant la référence H296K854 n'étant fournies sur demande que comme pièces de rechange. Les fixations portant la référence H296K1135 de la production actuelle ont des ressorts de gâchette et des crochets en acier plus forts qui améliorent la durée de vie en service. L'instruction de service (SI) nº 0597-242 de Beechcraft recommande d'inspecter les fixations de capot arrière du King Air 100 et des autres modèles à chaque inspection régulière afin de s'assurer que leur état ne risque pas de provoquer l'ouverture du capot en vol. La SI stipule que les fixations peuvent être soumises à une pression interne en vol, et elle recommande de remplacer les anciennes fixations par les fixations améliorées si on constate qu'elles sont usées de façon excessive, déformées ou détériorées de toute autre manière.

 

Comme les fixations étaient intactes, cela signifie qu'elles n'étaient pas verrouillées lorsque le capot s'est détaché de l'avion. La fixation avant était légèrement déformée; toutefois, elle fonctionnait bien. La fixation arrière fonctionnait difficilement parce qu'elle était mal alignée.  Des traces d'usure indiquaient que la fixation était dans cet état depuis assez longtemps; toutefois, aucun mauvais fonctionnement de la fixation arrière n'avait été signalé avant l'incident.

Les fixations portant les références H296K854 et H296K1135 sont du type à bascule à arc-boutement. Le verrouillage primaire est assuré par un effort de traction et par l'effet de bascule entre la poignée et le bras à crochet. Les bords de la gâchette comportent un cran dans lequel s'engage un goujon situé sur le bras à crochet, ce qui sert de dispositif de verrouillage secondaire. Il faut appuyer sur la partie supérieure de la gâchette pour déverrouiller la fixation. La gâchette est retenue en position fermée par un ressort. Le point d'articulation de la gâchette est situé vers la partie supérieure de la gâchette. Une différence de pression entre l'intérieur et l'extérieur du capot a tendance à provoquer l'ouverture de la fixation si la pression est assez forte pour vaincre la résistance et le frottement du ressort. Un léger effort de traction sur le crochet permet à la poignée de s'ouvrir si la gâchette se déclenche.

L'avionneur a déclaré que la zone de la chambre de tranquillisation du capot peut atteindre une pression différentielle de 1,1 lb/po2 à une vitesse indiquée de 200 nouds à cause de la combinaison de l'effet de l'air dynamique dans l'entrée et de l'écoulement d'air sur le fuseau moteur. Des essais effectués après l'accident ont permis de déterminer que la gâchette de la fixation avant se déclenchait à une pression d'air interne d'environ 1 lb/po2. Des calculs ont permis de déterminer que, si la gâchette est déclenchée, il faut une tension d'au moins 300 lb sur le crochet pour que le mécanisme à bascule garde la poignée fermée. On n'a pu déterminer de quelle façon était réglé le capot et quelle était la charge de traction sur les fixations avant l'accident. 

La gâchette de la fixation avant du capot gauche faisait apparemment saillie dans l'écoulement d'air en vol, et la fixation s'était déjà déverrouillée au moins une fois au cours d'un autre vol. Le personnel de maintenance avait examiné visuellement la fixation avant et avait vérifié son fonctionnement après l'ouverture en vol, soit cinq semaines environ avant l'accident. La fixation se fermait correctement et sans danger, elle ne présentait aucun signe d'usure et aucune mesure d'entretien n'avait été prise. 

L'examen a permis de déterminer que la gouverne de profondeur s'était rompue légèrement à l'intérieur de la charnière extérieure et que la section extérieure de 22 pouces s'était détachée avec la masselotte d'équilibrage. On a retrouvé cette dernière dans un champ à 20 milles environ au nord de l'aéroport municipal d'Edmonton. Quant au reste de la structure manquante de la gouverne de profondeur, il n'a pas été retrouvé. L'examen a révélé que la rupture avait été causée par de fortes vibrations en flexion vers le haut et vers le bas. La concentration des dommages indique qu'il y avait peut-être des dommages antérieurs à l'accident au voisinage du point de rupture; toutefois, aucun dommage semblable n'a été découvert sur les composants récupérés. L'équipage aurait pu perdre la maîtrise de l'avion si la gouverne de profondeur avait subi des dommages plus importants.

Un examen des carnets de l'avion a révélé que la gouverne de profondeur gauche avait été inspectée le 11 septembre 1994 conformément à la consigne de navigabilité (CN) 76-22-03, soit 368,8 heures de vol avant l'accident. On avait découvert une fissure dans une nervure d'extrémité, et une pièce de la trousse de réparation de Beechcraft portant la référence 100-4005-1S avait été utilisée pour renforcer la zone en question avant que l'avion ne soit remis en service. La rupture s'est produite du côté intérieur de la zone renforcée, au point le plus faible suivant.

Analyse

On n'a pu déterminer si les fixations du capot arrière supérieur gauche étaient verrouillées correctement avant le départ de l'avion. Cependant, selon toute vraisemblance, le capot se serait ouvert plus tôt si les fixations n'avaient pas été verrouillées avant le décollage, la différence de pression normalement présente ayant tendance à forcer l'ouverture du capot. La fixation arrière était mal alignée après l'accident, et des traces d'usure indiquaient que cette situation existait depuis assez longtemps. Cette anomalie aurait rendu le fonctionnement de la fixation arrière plus difficile et aurait accru les risques d'un mauvais verrouillage, une fois le capot fermé. Des essais ont démontré que la différence de pression d'air pouvait déclencher la gâchette de la fixation avant à cause de la faiblesse de son ressort. Si la fixation avant s'est déverrouillée en vol, comme cela s'était déjà produit au moins une autre fois, le devant du capot s'est peut-être soulevé lorsque la vitesse de l'air a augmenté pendant la descente. Il se peut que la fixation arrière se soit ensuite déverrouillée à cause de l'effet de l'écoulement de l'air dynamique dans le compartiment des accessoires ou parce qu'elle n'avait pas été verrouillée correctement.

Le capot détaché s'est logé sur le bord d'attaque de l'aile gauche, juste devant l'extrémité extérieure de la gouverne de profondeur gauche. Les turbulences produites par le capot déplacé ont été suffisantes pour provoquer des vibrations destructrices dans la gouverne de profondeur. Il y avait peut-être déjà des anomalies dans la zone où la rupture s'est produite; toutefois, rien de tel n'a été découvert sur les composants envoyés à l'examen. 

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

LP 138/95 - Performance Analyse (Analyse des performances);
LP 173/95 - Engine Cowl Latch Assembly (Fixations de capot moteur).

Conclusions

Faits établis

  1. Aucun indice matériel n'a permis de déterminer si les fixations avaient été verrouillées correctement avant le vol n'a été découvert.

  2. L'avion était muni des anciennes fixations de capot portant la référence H296K854, dont les ressorts de gâchette sont plus faibles que ceux des fixations actuelles portant la référence H296K1135.

  3. Compte tenu de leur conception, les fixations sont soumises à une pression différentielle qui génère une force orientée dans le même sens que leur ouverture.

  4. La fixation avant s'était apparemment déjà déverrouillée en vol. 

  5. Des essais ont permis d'établir qu'une pression différentielle égale à celle présente de part et d'autre du capot en vol pouvait provoquer l'ouverture de la fixation avant.

  6. Des traces d'usure indiquaient que la fixation arrière était peut-être mal alignée depuis un bon moment, ce qui l'aurait rendue plus difficile à actionner.

  7. L'extrémité de la gouverne de profondeur gauche s'est rompue sous l'effet d'importantes vibrations en flexion vers le haut et vers le bas produites par les turbulences dues au capot déplacé.

Causes et facteurs contributifs

Il est probable que le capot gauche s'est ouvert en vol à cause de la combinaison de la faiblesse du ressort de la gâchette des fixations et des dommages que présentait déjà la fixation arrière. La gouverne de profondeur gauche s'est rompue à cause des turbulences produites par le déplacement du capot.

Mesures de sécurité prises

à la suite de cet incident, l'exploitant a apporté la modification suivante à ses procédures d'utilisation normalisées (SOP) : lorsque c'est possible, toutes les inspections extérieures des vols de nuit doivent être effectuées à l'intérieur du hangar, et tout l'éclairage nécessaire doit être utilisé. Cette mesure aidera l'équipage à préparer l'avion pour le vol tout en éliminant la nécessité d'utiliser une lampe de poche pour effectuer l'inspection extérieure. Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 4 avril 1996.

Facteurs humains contributifs

Les principaux facteurs humains en cause dans cet incident sont les suivants : 

  • complaisance : la fixation arrière était déjà endommagée, on ne l'avait pas réparée et on continuait de l'utiliser;
  • normes : le remplacement de la fixation arrière usée et mal alignée a peut-être été retardé à cause de réflexions telles que « C'est comme ça depuis toujours » et « ça n'a pas posé de problème la dernière fois, ça va aller cette fois-ci ».
  • Erreur de jugement : l'équipage n'était peut-être pas conscient des conséquences d'une rupture en vol de la fixation du capot.