Chapitre 7 — Statistiques sur les impacts d'oiseaux et de mammifères

Introduction

Les décisions de l’industrie aéronautique instituent un équilibre délicat entre sécurité et rigueur budgétaire tout en tentant d’évaluer l’exposition au risque ainsi que la probabilité et la gravité des impacts de la faune. L’établissement de stratégies efficaces de gestion de la faune dépend fortement de la collecte et de l’analyse de données provenant des statistiques sur les impacts d’oiseaux et de mammifères.

Le présent chapitre évalue les données disponibles et examine les tendances importantes qui peuvent aider les intervenants du milieu à réduire le risque des impacts de la faune.

Définitions

Pour assurer la cohérence des statistiques, il importe que toutes les parties tenues de signaler les impacts de la faune adhèrent aux mêmes critères. Selon le Comité canadien du péril aviaire, les impacts d’oiseaux sont censés avoir eu lieu dans les conditions suivantes :

  • un pilote signale un impact d’oiseaux;
  • le personnel chargé de la maintenance de l’aéronef décèle des dommages causés parun impact d’oiseaux;
  • le personnel au sol signale avoir vu un aéronef frapper un ou plusieurs oiseaux;
  • des restes d’oiseaux—en totalité ou en partie—sont découverts sur les terrains adjacentsà moins de 200 pieds d’une piste si une autre raison n’a pas été trouvée à la mortde l’oiseau.

Les collisions avec d’autres classes d’animaux—des mammifères essentiellement— sont interprétées avec moins de rigueur mais respectent l’esprit des définitions établies pour les impacts d’oiseaux.

Arguments en faveur d’un compte rendu obligatoire

Afin d’assurer la plus haute qualité des statistiques, il importe que les organismes chargés de la tenue des bases de données reçoivent autant de renseignements que possible sur chaque collision—y compris les impacts sans conséquences et les quasi-impacts. Bien qu’il soit utile de réunir de l’information sur les dommages causés par les collisions afin de quantifier le coût qui en résulte pour l’industrie aéronautique, l’information qui a trait aux incidents qui ne provoquent aucun dommage et aux quasi-impacts est tout aussi importante sur le plan statistique pour avoir une idée complète du risque présent à un endroit donné.

Malgré les progrès de l’industrie aéronautique nord-américaine pour rendre compte des impacts de la faune, beaucoup de ces incidents ne sont signalés que partiellement ou pas du tout. Les spécialistes de la gestion de la faune estiment que 20 pourcent seulement de tous les impacts sont signalés; les taux de compte rendu sont probablement plus bas encore dans de nombreux pays en développement où les impacts ne sont pas signalés de façon systématique ou ne le sont pas du tout.

Dans la plupart des pays, il n’est pas obligatoire de produire un rapport sur les impacts de la faune. Transports Canada et la FAA encouragent vivement le compte rendu des intervenants de l’industrie aéronautique mais ne sont pas dotés des pouvoirs réglementaires leur permettant d’agir par voie d’autorité. Trois facteurs supplémentaires contribuent au fait que les impacts de la faune ne sont pas signalés :

  • Certains intervenants de l’industrie croient que le compte rendu d’une collision crée des responsabilités en matière d’information, avec pour effet de nourrir les craintes dupublic à l’égard de l’éventualité d’un accident.
  • Les intervenants présument à tort que d’autres ont signalé la collision.
  • Soumis à la pression du respect de délais serrés, le personnel de l’industrie ne produitpas de rapports en jugeant à mauvais escient que les impacts de la faune ne sontpas une question de sécurité importante et qu’ils n’ont qu’un impact économiquenégligeable sur l’industrie.

En 1999, le NTSB recommandait à la FAA (dans Safety Recommendation A-99-91) d’obliger « tous les utilisateurs d’avion à signaler les collisions aviaires à la Federal Aviation Administration ». La FAA n’a pas donné suite à la recommandation en alléguant les raisons suivantes :

  • il serait difficile de faire appliquer un règlement;
  • les procédures de compte rendu existantes suffisent à surveiller les tendances;
  • le problème doit être pris en compte par les programmes de gestions des oiseaux etles initiatives de planification de l’aéroport.

Indépendamment de la position adoptée par la FAA, tout laisse croire que la sécurité serait grandement renforcée par l’obligation réglementaire de signaler tous les impacts de la faune.

 

Figure 7.1 Schéma illustrant les fonctions de compte rendu de l’activité des oiseaux/de la faune au Canada

Rapport sur les impacts avec les oiseaux ou la faune

Un rapport sur les impacts de la faune adéquat exige l’apport de nombreux intervenants de l’industrie au processus de collecte des données. Les sections suivantes présentent un bref aperçu du processus de compte rendu et de l’impact qu’il pourrait avoir sur les statistiques relatives aux impacts de la faune. Une description complète de ce processus (y compris des exemples sur les formulaires d’impacts utilisés) figure en Annexe C—Procédures de compte rendu des impacts d’oiseaux et de mammifères.

Sources de compte rendu

N’importe quel intervenant peut fournir soit quelques éléments soit tous les renseignements nécessaires pour remplir le rapport sur un impact de la faune; on peut même affirmer que la vérité des faits ne peut s’affirmer qu’une fois que les différents témoins auront donné leur version et apporté leur contribution—aussi minime soit-elle. Plus la quantité des renseignements recueillis est importante, plus l’analyse des données sera précise en permettant au personnel de gestion de la faune dans les aéroports d’optimiser les stratégies de réduction des impacts. Les fonctions des différents intervenants et leurs interactions sont illustrées à la figure 7.1 et traitées dans les paragraphes qui suivent.

Les pilotes signalent beaucoup d’impacts aux ATS et ont la possibilité de remettre ensuite un rapport à Transports Canada. Les pilotes professionnels peuvent également rendre compte de l’événement à leur compagnie aérienne. Les pilotes ne connaissent pas ou ne sont pas toujours en mesure de déterminer toutes les circonstances d’une collision; ils ne sont pas sûrs de l’espèce d’oiseau en cause, de l’étendue des dommages subis par l’aéronef ni des coûts des réparations qui en résultent.

Les fournisseurs des services de la circulation aérienne peuvent être informés d’une collision par les pilotes ou le personnel de gestion de la faune de l’aéroport. En cas d’impact, les ATS signalent la collision par l’entremise du Système de compte rendu quotidien des événements de l’aviation civile (CADORS).

Le personnel de maintenance de l’aéronef découvre parfois les dommages qui n’ont pas été détectés auparavant au cours des inspections de l’aéronef.

Les compagnies de transport aérien font parvenir souvent à Transports Canada des résumés des rapports sur les impacts. Ceux-ci rendent compte des renseignements fournis par les pilotes et le personnel de maintenance de l’aéronef et comprennent également des données sur les répercussions opérationnelles, les dommages subis, les réparations et les coûts afférents.

Le personnel d’entretien et de sécurité de l’aéroport peut découvrir des oiseaux morts ou des carcasses de mammifères au cours des inspections régulières de FOD sur les pistes et les voies de circulation. À moins qu’une autre cause de la mort soit établie, on présume que les animaux sont entrés en collision avec un aéronef. Cette information doit être signalée à l’exploitant d’aéroport ou directement à Transports Canada.

Le personnel de gestion de la faune peut découvrir des oiseaux morts sur les pistes ou à proximité de l’aéroport dans l’exercice de ses activités quotidiennes. Ces spécialistes procéderont également à l’identification des espèces fauniques en cause afin de compléter les rapports provenant d’autres sources. Cette information sur les impacts doit être portée à l’attention du personnel des ATS, de l’exploitant d’aéroport ou de Transports Canada directement.

Les exploitants d’aéroport sont tenus de rassembler toutes les données concernant les impacts survenus à l’aéroport et de les signaler à Transports Canada.

 


Dommages infligés à un aéronef d’aviation générale par un seul aigle.

Quels renseignements faut-il signaler ?

La méthode idéale consiste à utiliser le Rapport d’impact d’oiseau/de mammifère de Transports Canada (v. l’annexe C). En pratique, même si les déclarants ne disposent pas toujours des renseignements permettant de remplir toutes les sections du formulaire, on ne saurait souligner avec assez de force l’importance de remplir le formulaire dans toute la mesure du possible.

En examinant les formulaires américain et canadien, il convient de noter que Transports Canada a prévu une case où le quasi-impact peut être signalé; le formulaire correspondant de la FAA ne prévoit pas cette disposition.

Le Rapport d’impact d’oiseau/de mammifère de Transports Canada requiert les renseignements suivants :

  • nature et circonstances de l’événement,
  • type d’aéronef et moteurs en cause,
  • phase du vol,
  • parties touchées,
  • effets sur le vol,
  • conditions atmosphériques,
  • espèces et nombres d’oiseaux et de mammifères en cause,
  • dommages aux moteurs,
  • coût de l’accident,
  • commentaires et remarques supplémentaires.

Identification des oiseaux

Si des mesures de réduction du péril aviaire doivent être entreprises, il apparaît essentiel de connaître :

  • les espèces d’oiseaux présentes à l’aéroport;
  • les espèces frappées par l’aéronef,
  • les espèces qui causent des dommages.

Il devient plus important d’identifier précisément les espèces en cause compte tenu des questions de responsabilité et d’exercice d’une diligence raisonnable et également pour se doter des outils et des techniques permettant de contrôler les espèces impliquées dans les collisions.

Identification des oiseaux vivants

L’identification des oiseaux vivants est relativement simple mais elle requiert de l’habileté et de la pratique. Le personnel de l’aéroport et des ATS se doivent de connaître les gros oiseaux et les espèces grégaires qui fréquentent le terrain de l’aéroport et posent des menaces éventuelles. Des lunettes et des guides aviaires modernes sont exigés; Transports Canada distribue également des affiches qui illustrent les principales espèces présentes dans les aéroports canadiens. Les études biologiques détaillées qui sont nécessaires en vue de l’élaboration de programmes de gestion de la faune efficaces dans les aéroports exigent cependant une expertise et des connaissances ornithologiques spécialisées.

Identification de restes d’oiseaux

Après un impact, il reste souvent très peu d’éléments qui permettent d’identifier l’oiseau; les restes peuvent aller d’une carcasse relativement intacte à quelques taches de sang retracées dans un moteur. Les enquêteurs font appel à un ensemble varié de techniques d’identification décrites ci-dessous pour déterminer l’occurrence d’une collusion et, si tel est le cas, identifier l’espèce en cause.

Comparaison avec des spécimens de musée

Des ornithologues chevronnés pratiquent un examen oculaire des plumes afin de déterminer l’espèce ou le groupe impliqué; les constatations peuvent être vérifiées par comparaison avec les spécimens d’une collection de musée. On estime qu’il est possible par cette technique d’identifier 75 pourcent des oiseaux entrés en collision avec un aéronef.

Examen microscopique des plumes

Les échantillons des plumes qui ne peuvent être identifiés à l’oeil nu sont examinés au microscope où la structure fine de la plume—ses barbes et barbules—se révèle. Développée par les chercheurs R. C. Laybourne et C. J. Dove au Département de zoologie des vertébrés de la Smithsonian Institution à Washington, D.C., cette technique peut être utilisée pour identifier la famille ou le genre de l’oiseau en cause mais elle ne permet pas l’identification de l’espèce.

Électrophorèse de la kératine

L’électrophorèse est une technique d’analyse de la structure biochimique des plumes permettant d’identifier les espèces d’oiseaux. Les plumes sont composées de kératine, substance protéique analogue aux poils et aux ongles des humains; les protéines de kératine fournissent une empreinte digitale qui correspond aux caractères d’une espèce particulière d’oiseau. Dans l’électrophorèse de la kératine, les protéines de la plume provenant d’un échantillon inconnu d’un oiseau frappé par un aéronef sont comparées à des échantillons d’espèces connues—une technique mise au point par M. Henri Ouellet, du Musée canadien de la nature, avec le soutien financier de Transports Canada. La base de données du musée contient 3 500 profils propres à plus de 800 espèces d’oiseaux. Malheureusement, le service que M. Ouellet offrait autrefois n’est pas disponible à l’heure actuelle.

 


M. Henri Ouellet au Musée canadien de la nature. M. Ouellet a mis au point le procédé d’identification par électrophorèse de la kératine des plumes pour Transport Canada.

Analyse de l’ADN

Suite à une ingestion dans le moteur de l’aéronef, seules des traces de sang et de tissus subsistent parfois—suffisantes pour qu’on puisse procéder à une analyse de l’ADN. À l’aide de techniques génétiques modernes, l’ADN peut être amplifié par la réaction en chaîne de la polymérase (PCR) afin d’obtenir des échantillons suffisamment grands aux fins de l’analyse. Le gène "b" du cytochrome mitochondrial est utilisé communément pour l’identification d’organismes par détermination des séquences nucléotidiques.

La Birdstrike Avoidance Team du Central Science Laboratory (CSL) au Royaume-Uni est en voie d’élaborer cette technique de l’ADN-polymérase appliquée aux échantillons provenant des impacts d’oiseaux. La comparaison des restes avec les séquences de la bibliothèque génétique montre qu’une correspondance de 97 à 99 pourcent devient possible si les séquences proviennent des mêmes espèces ou d’espèces congénères. Les oiseaux appartenant à la même famille donnent une correspondance variant de 87 à 95 pourcent, mais il est impossible d’obtenir des correspondances fiables pour des espèces plus éloignées. M. J. R. Allan et ses collaborateurs du CSL estiment que cette technique pourrait devenir opérationnelle au Royaume-Uni à peu de frais : une bibliothèque de référence des familles d’oiseaux les plus fréquemment frappés par des aéronefs en Europe pourrait être créée pour 15 000 $ US; le traitement de chaque échantillon coûterait environ 150 $.

Base de données sur les impacts d’oiseaux et de mammifères

Les statistiques sur les impacts d’oiseaux sont tenues par les organismes de réglementation de l’aviation civile de nombreux pays; certains ont des bases de données séparées entre les domaines militaire et civil, tandis que d’autres les combinent. Toutefois, il n’existe pas de norme sur la tenue conjuguée ou partagée de ces bases de données.

Il incombe à l’administrateur de la base de données de s’assurer que les rapports multiples du même impact—provenant de sources différentes et présentés à des moments différents—ne faussent pas les données. Chacun de ces rapports doit être examiné attentivement car, une fois réunis, il permettront de mieux comprendre les circonstances d’un incident donné. Il est essentiel de réunir et de vérifier soigneusement les données pour que la base de données sur les impacts et toute information sur les tendances qui en résulte soient exactes. Une fois encore, il est extrêmement important de consigner les impacts d’oiseaux de la manière la plus exhaustive possible. Pour lutter contre le problème des impacts de la faune, on ne pourra définir les priorités et appliquer les solutions qu’après avoir présenté, compilé et analysé des données utiles.

L’information de la base de données sur les impacts fauniques est analysée pour dégager un certain nombre de tendances, y compris :

  • les espèces fauniques qui créent des problèmes sur tout le territoire et sur des sitesparticuliers,
  • les périodes difficiles du jour et de l’année,
  • les tendances annuelles des impacts selon l’emplacement,
  • la phase du vol pendant laquelle la probabilité de collision est la plus grande,
  • les types d’aéronefs les plus exposés,
  • les parties de l’aéronef les plus exposées,
  • les effets des impacts sur l’aéronef,
  • le pourcentage des impacts qui causent des dommages et affectent le vol,
  • les coûts associés aux impacts,
  • l’altitude à laquelle surviennent les collisions.

Trois grandes bases de données majeures sur les impacts de la faune sont présentées ci-dessous :

  • la base de données sur les impacts d’oiseaux et de mammifères de Transports Canada,
  • la base de données de la FAA, aux États-Unis,
  • la base de données de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Beaucoup de pays européens se sont également dotés de systèmes de compte rendu et de bases de données perfectionnées. Mais puisque notre ouvrage porte sur la situation en Amérique du Nord, nous nous limiterons aux bases de données citées. Il y a lieu de noter ici que dans la mesure où les paramètres de production des rapports ni les logiciels ne sont uniformisés parmi les bases de données, l’échange des données est extrêmement difficile et prend beaucoup de temps.

Transports Canada

La Direction de la sécurité des aérodromes de Transports Canada administre la base de données du pays sur les impacts avec les oiseaux et les mammifères. Des récapitulatifs annuels des impacts d’oiseaux ont été publiés et distribués aux personnes concernées en utilisant essentiellement le même formulaire depuis le début des années 1980—la série la plus longue de données comparables sur les impacts d’oiseaux qui existe. Ces comptes rendus comprennent de l’information sur :

  • les impacts survenus aux aéroports canadiens,
  • les impacts touchant des aéronefs canadiens à l’étranger,
  • les impacts touchant des aéronefs exploités par le ministère de la Défense nationale au Canada et à l’étranger.

Ce n’est que depuis 1997 que ces comptes rendus comprennent des renseignements sur les quasi-impacts et les impacts avec des mammifères. L’analyse de la période de neuf ans la plus récente (1991 à 1999) indique que 6 848 impacts d’oiseaux ont été enregistrés dans la base de données de Transports Canada. Sur ce nombre, 5 891 concernaient des aéronefs civils et 957 des aéronefs militaires.

La Federal Aviation Administration (FAA) américaine

Aux États-Unis, les impacts de la faune sont signalés volontairement à la FAA à l’aide d’un formulaire (FAA Form 5200-7, v, annexe C). Bien que le personnel de la FAA assure le suivi de ces comptes rendus depuis 1965 pour dégager les tendances générales des impacts de la faune, aucune analyse quantitative de ces données n’a été effectuée avant 1995. En vertu d’une entente interorganismes, le Centre national de recherches fauniques du ministère américain de l’Agriculture se charge aujourd’hui de la tenue de la base de données de la FAA et de l’analyse des données. Des rapports annuels détaillés sont publiés et fournissent une foule de renseignements. Les rapports sont cumulatifs et contiennent des données relatives à la décennie 1990-1999 sur 28 150 impacts de la faune—soit 27 433 collisions avec des oiseaux, 681 collisions avec des mammifères et 36 collisions avec des reptiles.

Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)

En tant qu’organisme mondial de l’aviation civile, l’OACI tient une base de données internationale sur les impacts d’oiseaux—Système d’information IBIS—depuis 1980. Chaque pays membre doit soumettre des données annuelles sur les impacts d’oiseaux; l’OACI les analyse et produit un rapport annuel. Étant donné que les comptes rendus peuvent être reçus de douzaines de pays dans cinq langues officielles différentes, la publication des statistiques annuelles est décalée de deux ans.

La base de données IBIS contient des renseignements sur 89 251 impacts d’oiseaux survenus dans le monde entre 1980 et 1999 inclusivement.

Principale base de données sur les accidents dus aux impacts d’oiseaux et de mammifères

Dans la production de ces données statistiques, le recueil des chiffres relatifs aux accidents sur les impacts d’oiseaux tient une place à part. Deux chercheurs bien connus dans le domaine ont élaboré indépendamment des bases de données séparées sur les accidents dus aux impacts de la faune.

John Thorpe, de l’administration de l’aviation civile au Royaume-Uni—ancien président du Comité européen sur le péril aviaire et président honoraire d’IBSC—a réuni une base de donnée mondiale de tous les accidents graves dus à des collisions avec des oiseaux qui ont touché des avions civils. M. W. John Richardson, de LGL Limited (Canada), a créé une base de données des accidents de l’aviation militaire et civile impliquant des oiseaux.

Dans ces bases de donnés, les accidents graves sont définis par les éléments suivants :

  • perte de vies humaines,
  • blessures aux occupants,
  • destruction de l’aéronef,
  • perte ou dommage subi par plus d’un moteur,
  • un moteur endommagé et ingestion dans le deuxième,
  • défaillance turbine non confinée,
  • incendie,
  • trous de grande taille (pare-brise, nez, radome),
  • dommages structurels majeurs,
  • épisodes très inhabituels, comme l’obstruction totale de la vision, la perte de systèmesmultiples ou vitaux et de l’hélice, des dommages au rotor de l’hélicoptère ou de latransmission.

Faits saillants

Entre 1912 et 1997, sur 91 accidents, 41 ont coûté la vie à 208 personnes. Ces données ne disent sans doute pas toute la vérité, puisque les comptes rendus des années antérieures sont incomplets ou inexistants. Selon toute vraisemblance, les accidents causés par des oiseaux sont beaucoup plus nombreux mais jamais signalés en tant que tels. C’est le cas plus particulièrement des accidents de petits aéronefs de l’aviation générale car les enquêtes ne sont pas généralement aussi approfondies que pour les avions commerciaux.

Accidents d’aéronefs graves

On dénombre plusieurs graves accidents avec perte de coque qui méritent d’être évoqués :

  • Le 4 octobre 1960, le pire accident causé à ce jour par un impact d’oiseaux est survenu lorsqu’un Lockheed Electra a rencontré une volée d’étourneaux sansonnets peu après avoir décollé de l’Aéroport international Logan de Boston. Les étourneaux se déplaçaient en denses volées d’oiseaux qui pèsent environ 80 grammes chacun. De nombreux oiseaux ont été absorbés par trois des quatre moteurs. Le pilote a dû couper le moteur numéro un, tandis que les moteurs deux et quatre perdaient de leur puissance. L’aéronef a perdu de la vitesse, s’est immobilisé et s’est écrasé dans la baie de Boston. Sur les 72 personnes à bord, 62 ont été tuées et 9 blessées.
     
  • Le 23 novembre 1962, un Vickers Viscount de la United Airlines a frappé une volée de cygnes siffleurs migrant à 6 000 pieds d’altitude au-dessus du Maryland. Le bord d’attaque du stabilisateur s’est détaché et le pilote a perdu le contrôle de l’aéronef qui s’est écrasé en provoquant la mort des 17 personnes à bord. Les mouvements de grande envergure de gros oiseaux comme les canards, les oies, les cygnes et les cormorans font peser une grave menace sur les aéronefs, de jour comme de nuit.
     
  • Le 12 novembre 1975, à l’Aéroport international J.F. Kennedy de New York, un accident remarquable s’est produit. Un DC-10-30 de la Overseas National Airlines avec139 personnes à bord a frappé des mouettes à la vitesse de décision V1. Le moteur numéro trois a explosé en causant un grave incendie de l’aile. Le décollage a été interrompu et l’aéronef a pris rapidement feu. Fait remarquable, on n’a déploré aucune victime et seulement 11 blessures mineures, dues pour la plupart à la familiarité des passagers avec les procédures d’évacuation d’urgence— car tous les passagers étaient membres de la compagnie aérienne.
     
  • Le 15 septembre 1988, un Boeing 737-200 a absorbé des pigeons roussards au décollage de l’aéroport de Bahar Dar—situé à 5 800 pieds au-dessus du niveau de la mer, en Éthiopie. Les deux réacteurs sont tombés en panne et l’avion a tenté un atterrissage de fortune en rase campagne à 10 km de l’aéroport. Malheureusement, l’avion a heurté la berge d’un cours d’eau et a pris feu. L’accident a fait 35 victimes et 21 blessés parmi les 104 passagers à bord.
     

Incidents d’aéronefs importants

Alors que les accidents qui entraînent une perte de coque ont des conséquences dramatiques, ils sont largement dépassés par le nombre d’incidents dans lesquels la catastrophe a été frôlée de justesse—incidents qu’il importe également de prendre en compte dans l’élaboration des stratégies de gestion des risques. Les spécialistes actuels dans ce domaine reconnaissent qu’on ne peut établir des stratégies d’atténuation des risques uniquement en se fondant sur les statistiques car les accidents graves ne représentent que 10 pourcent ou moins des données significatives sur la sécurité. De plus en plus, l’industrie aéronautique emploie d’autres techniques d’évaluation des risques :

  • recueil des données sur la sécurité provenant d’autres sources tels que les systèmesde compte rendu non punitifs et les rapports d’évaluation d’accident,
  • les outils d’analyse du risque qui évaluent la gravité éventuelle et la possibilité denouvelles occurrences.

Tous les incidents graves consécutifs à des impacts d’oiseaux doivent être attentivement examinés et analysés en utilisant un protocole de gestion du risque établi. Malheureusement, il n’existe pas de base de données sur ces incidents graves ni une analyse de leur gravité potentielle et de la possibilité de nouveaux incidents—éventualité mise en évidence dans les exemples suivants :

  • Dans la nuit du 9 janvier 1998, un B727 de la compagnie Delta a décollé de l’aéroport de Houston, au Texas. À près de 6 000 pieds d’altitude, l’avion a percuté une volée d’oies des neiges sur leur parcours migratoire et a subi d’importants dommages à ses trois moteurs, aux becs du bord d’attaque, au radome et au tube de Pitot mesurant la vitesse de l’avion contre l’air—dommages dus en partie au fait que l’aéronef participait à un essai visant à évaluer les gains d’efficience des départs à grande vitesse. L’équipage a réussi à revenir vers l’aéroport sain et sauf. Mais la possibilité d’une catastrophe était très réelle.
     
  • Le 26 octobre 1992, un B747 de la KLM approchant l’aéroport international deCalgary a frappé une volée de bernaches du Canada peu avant l’atterrissage. L’aviona atterri sans encombre et aucun blessé n’a été déploré. Il a néanmoins subid’importants dommages non confinés au réacteur numéro un et aux becs du bordd’attaque. Des impacts d’oiseaux multiples durant cette phase cruciale du vol—àtrès grande proximité du sol—peuvent mener à la catastrophe.Certaines sections, plus loin dans le présent chapitre, attestent de la fréquence desingestions d’oiseaux par le moteur, des décollages interrompus et des atterrissagesde précaution et d’urgence qui indiquent à quel point ces cas de quasi-impactsont fréquents.
     

Analyse des statistiques sur les impacts d’oiseaux dans l’aviation civile

Les sections qui suivent présentent une analyse des statistiques sur les impacts d’oiseaux recueillies au Canada et aux États-Unis entre 1991 et 1999. Étant donné que la population des États-Unis est dix fois supérieure à celle du Canada et que les États-Unis ont le plus haut taux d’utilisation par habitant d’aéronefs dans le monde, il est raisonnable de supposer qu’un nombre dix fois supérieur d’impacts d’oiseaux s’y produira chaque année. En fait, la moyenne des impacts d’oiseaux signalés annuellement a été de 2 857 aux États-Unis entre 1991 et 1999 par rapport à 761 au Canada—soit un rapport de 3,75 à 1. Ce ratio plus élevé peut s’expliquer par un taux de compte rendu supérieur au Canada résultant d’une plus grande sensibilisation au problème, d’un programme de relations publiques plus actif et un cadre de réglementation et de politiques plus normatif qui comprenait—jusqu’à tout récemment—la propriété gouvernementale de la plupart des aéroports.

En comparant les statistiques sur les impacts, il importe de se rappeler que les données ne sont pas toujours représentatives des statistiques réelles car un grand nombre de collisions ne sont pas signalées. Par exemple, un aéroport où le nombre des collisions signalées est plus élevé que dans un autre peut avoir un meilleur programme de gestion de la faune—et donc enregistrer moins d’impacts réels—que l’aéroport qui en compte moins. Le premier pourrait simplement adopter des règles plus rigoureuses en matière de compte rendu. Le nombre d’impacts est également fonction du nombre des mouvements d’aéronefs. Afin de normaliser les statistiques sur les impacts et d’adopter une méthode exacte de comparaison des données annuelles aux aéroports, le taux d’impact— exprimé par le nombre d’impacts sur 10 000 mouvements—est la mesure adoptée par les intervenants qui oeuvrent dans ce domaine.

Dans les analyses qui suivent, les récapitulatifs —présentés sous forme de tableaux et de figures—se fondent sur les renseignements diffusés dans les publications de synthèse de Transports Canada et de la FAA. Étant donné que chaque compte rendu d’un impact ne fait pas état des renseignements relatifs à chacun des paramètres d’une collision avec des oiseaux ou à la pièce endommagée, les chiffres totaux proviennent uniquement des formulaires sur lesquels ces données ont été consignées.

Phase du vol

La plupart des bases de données sur les impacts avec les oiseaux contiennent des statistiques faisant état de la phase de vol. Ces statistiques sont importantes car à chacune des phases de vol correspond un niveau de risque différent. Les deux manoeuvres les plus cruciales sont le décollage et l’atterrissage, et les statistiques d’accident dans leur ensemble montrent que la majorité des accidents surviennent durant ces deux phases de vol; dans la perspective d’un impact de la faune, un aéronef est beaucoup plus vulnérable au décollage qu’à l’atterrissage.

Au moment du décollage, les moteurs de l’aéronef fonctionnent à plein régime; l’avion est également plus lourd à cause de la quantité totale de carburant à bord. Au cours du décollage, il reste très peu de temps—deux ou trois secondes au plus—pour réagir à un impact de la faune, évaluer le dommage subi par l’aéronef ou le moteur et décider d’interrompre la manoeuvre ou de poursuivre le vol. Des manoeuvres de décollage interrompu et de panne moteur réussies exigent des compétences précises et une bonne coordination de l’équipage car la performance de l’aéronef est limitée dans ces circonstances. Toute défaillance de systèmes multiples causée par un impact de la faune—tels que les dispositifs hypersustentateurs ou plusieurs moteurs—peut empêcher l’aéronef de voler.

 


Figure 7.2 Phase de vol au moment de l’impact avec des oiseaux Canada et É.-U. (1991-1999) (Les données canadiennes incluent les impacts des aéronefs militaires)

L’atterrissage comporte moins de risque. La force d’impact et la possibilité de dommages sont réduites du fait que l’aéronef approche à des vitesses plus basses, sa puissance est moins forte et il transporte moins de carburant.

Les statistiques sur les impacts d’oiseaux selon la phase de vol, enregistrées au Canada et aux États-Unis entre 1991 et 1999, sont résumées dans la figure 7.2. La comparaison des statistiques dans leur ensemble atteste de la similarité entre les deux pays—37 pourcent des impacts au Canada surviennent durant le décollage, contre 39 pourcent aux États-Unis. Toutefois, une ventilation des données révèle une autre réalité—à savoir qu’au Canada, 31 pourcent des impacts surviennent au décollage et 6,5 pourcent en montée initiale. Aux États-Unis, 20 pourcent des impacts se produisent au décollage et 19 pourcent en montée. La différence semble indiquer que les deux bases de données peuvent utiliser deux définitions légèrement différentes des phases du décollage et de montée initiale.

Un nombre relativement petit d’impacts surviennent lorsque l’avion vole à plus haute altitude—3,8 pourcent au Canada et 3,6 pourcent aux États-Unis. Là encore, on note d’importantes différences entre les données canadiennes et américaines au sujet du nombre d’impacts dans les phases de descente et d’approche—19 pourcent contre 41 pourcent respectivement—et au cours de l’atterrissage—22 pourcent contre 16 pourcent. Les chiffres relatifs à la phase d’atterrissage sont dans l’ensemble plus rapprochés—41 pourcent au Canada et 57 pourcent aux États-Unis. Encore une fois, chaque base de données peut avoir appliqué des définitions différentes.

Altitude (AGL) Pourcentage
du total connu
0 40
1-99 15
100-299 11
300-499 5
500-999 7
1 000-1 499 5
1 500-3 999 10
>4 000 6

Tableau 7.1 Altitude des impacts d’oiseaux aux États-Unis (1991 – 1999)

Altitude

Les aéronefs risquent davantage de croiser des oiseaux au décollage et à l’atterrissage car les oiseaux volent pour la plupart à quelques centaines de pieds du sol. La plus haute altitude jamais enregistrée dans la base de données de la FAA impliquait une espèce d’oiseau non identifiée frappée par un DC-8-62 à 39 000 pieds le 23 octobre 1991.

Les données des É.-U. sur les impacts d’oiseaux à des altitudes au-dessus du sol (AGL) sont résumées dans la tableau 7.1. La figure porte sur 20 893 collisions signalées et faisant état de l’altitude entre 1990 et 1999 :

  • 40 pourcent des impacts surviennent lorsque l’avion est encore au sol—essentiellementau cours des phases de décollage et d’atterrissage,
  • 15 pourcent des impacts se produisent entre un et 99 pieds au-dessus du sol,
  • 16 pourcent surviennent entre 100 et 499 pieds AGL.

Au total, 71 pourcent de ces impacts se produisent à l’aéroport ou à proximité. Au-dessus de 500 pieds, le nombre d’impacts d’oiseaux diminue au fur et à mesure que l’altitude augmente.

Les impacts d’oiseaux qui surviennent à une altitude supérieure à 500 pieds AGL mettent généralement en cause des volées d’oiseaux, notamment des oiseaux aquatiques migrateurs dont le poids peut dépasser 5 kg. Des impacts multiples touchant plusieurs composants de l’aéronef ne sont pas rares dans de tels accidents en créant les conditions susceptibles d’entraîner la perte de plus d’un moteur et d’endommager d’autres systèmes vitaux de l’aéronef. Bien que les probabilités d’un impact d’oiseaux à des altitudes supérieures à 500 pieds AGL soient faibles sur le plan statistique, les conséquences éventuelles d’une collision à haute altitude n’en seront que plus importantes encore.

 


Figure 7.3 Répartition mensuelle des impacts d’oiseaux au Canada et aux États-Unis (1991 – 1999) (comprend les aéronefs canadiens à l’étranger et les avions militaires canadiens)

Comme l’indique cette donnée, il est impératif de réduire le nombre d’oiseaux présents aux aéroports ou à proximité. Cela plaide en faveur à la fois de programmes de gestion de la faune efficaces et du contrôle de sites comme les dépotoirs qui attirent les oiseaux près des aéroports (v. Chapitre 8).

Époque de l’année

La fréquence des impacts d’oiseaux varie selon l’époque de l’année. Les pourcentages des collisions au Canada et aux États-Unis qui se produisent chaque mois sont tracés dans la figure 7.3 pour les années 1991 à 1999. Au Canada, relativement peu d’impacts surviennent en hiver—deux à trois pourcent par mois de décembre à mars. La proportion augmente au printemps lorsque les oiseaux migrateurs reviennent des régions méridionales—cinq à neuf pourcent par mois entre avril et juin et atteint son maximum en été—14 à 17 pourcent par mois de juillet à septembre. Des taux aussi élevés s’expliquent pour deux raisons : les oiseaux sont présents en grandes quantités après la saison de nidification—particulièrement de jeunes oiseaux inexpérimentés qui ne connaissent pas les aéronefs—et entreprennent leur migration vers la fin de l’été. Les impacts qui surviennent en automne—12 pourcent en octobre et sept pourcent en novembre—marquent la période pendant laquelle un nombre important d’oiseaux sont toujours présents mais beaucoup d’oiseaux migrateurs ont déjà quitté le Canada. L’importance des impacts des oiseaux migrateurs n’est pas à négliger. Considérant le poids et le nombre d’oiseaux qui composent une volée, la connaissance des voies migratoires et des périodes de l’année est cruciale pour réduire la probabilité et la gravité des collisions.

 


Figure 7.4 Répartition quotidienne des impacts d’oiseaux au Canada en 1999 (comprend les aéronefs canadiens à l’étranger et les avions militaires canadiens)

La courbe annuelle des impacts d’oiseaux aux États-Unis ressemble à celle du Canada, à quelques exceptions près. Le nombre d’impacts en période de pointe se produit également entre juillet et septembre—10 à 14 pourcent par mois—mais le nombre de collisions en hiver est plus élevé, quatre à six pourcent par mois entre décembre et mars. Les taux plus élevés en hiver sont une indication du grand nombre d’aéroports du sud des États-Unis où les oiseaux migrateurs passent l’hiver.

Période de la journée

Les impacts d’oiseaux surviennent à n’importe quelle heure, mais la vaste majorité des impacts canadiens se produisent le jour. Cela n’a rien d’étonnant puisque peu d’oiseaux volent la nuit et que peu d’avions partent ou atterrissent. La répartition horaire des impacts d’oiseaux en 1999, au Canada, est présentée à la figure 7.4 et montre les nombreux impacts d’oiseaux qui se produisent à toutes les heures du jour. Une légère augmentation est observée le matin—entre 8 et 10 heures—et tard dans l’après-midi— de 15 à 17 heures—lorsque le nombre de vols réguliers augmente également.

Les oiseaux ont tendance à être plus actifs à l’aube et au crépuscule, mais puisque l’heure du lever du soleil et du crépuscule varie dans l’année, la régularité de ces événements est moins évidente. En conséquence, les tendances quotidiennes révélées par les chiffres sont fortement influencées par les heures auxquelles la fréquence des vols s’intensifie. On enregistre également une variation de la distribution temporelle des impacts parmi les aéroports. Une analyse récente porte à croire également que les taux d’impacts en Amérique du Nord peuvent en fait être plus élevés durant la nuit.

La courbe des impacts de mammifères selon les heures est très différente de celle des oiseaux. La base de données de la FAA a signalé 681 impacts de mammifères au cours de la période allant de 1991 à 1997; sur les 522 collisions où l’heure de l’impact était connue, 63 pourcent se sont produits la nuit—13 pourcent à l’aube et au crépuscule et seulement 24 pourcent durant le jour. Ces tendances reflètent le comportement nocturne et crépusculaire de la plupart des mammifères qui fréquentent les aéroports aux États-Unis et au Canada.

  CANADA ÉTATS-UNIS
Partie aéronef Nombres frappés Nombres endom. Pourcent endom. Nombres frappés Nombres endom. Pourcent endom.
Pare-brise 514 33 6,4 4 195 321 7,7
Aile/Rotor 855 113 13,2 3 030 941 31,1
Fuselage 682 31 4,5 2 665 146 5,5
Nez 750 40 5,3 3 061 235 7,7
Moteur 608 96 15,8 3 887 1 542 39,7
Hélice 266 12 4,5 819 92 11,2
Radome 251 32 12,7 2 645 405 15,3
Train d'atterrissage 303 8 2,6 1 180 153 13,0
Pitot 43 29 67,4 0 0 0,0
Autre 977 168 17,2 1 174 626 53,3
Total 5 249 562 10,7 22 656 4 461 19,7

Tableau 7.2 Parties des aéronefs les plus fréquemment frappées et endommagées par les oiseaux Canada et É.-U. (1991-1999)

Parties de l’aéronef touchées

Les données qui mentionnent les parties de l’aéronef touchées par les oiseaux sont liées en partie au type d’aéronef et à la phase de vol. Les données de 1991 à 1999, se rapportant au Canada et aux États-Unis, sont résumées au tableau 7.2. D’une manière générale, le fuselage, le nez, le radome, le pare-brise, les ailes, le rotor et les moteurs sont les pièces les plus fréquemment touchées. Le nombre de collisions touchant les pare-brise et les moteurs sont proportionnellement plus élevées aux États-Unis et au Canada, bien que la raison ne soit pas apparente.

On note une variation marquée de la probabilité d’un impact qui cause des dommages. le pourcentage global des impacts signalés qui causent des dommages est égal à 10,7 pourcent au Canada et à 19,7 pourcent aux États-Unis. On ne sait pas si la différence est réelle ou s’il ne s’agit pas plutôt d’une anomalie statistique; chaque pays utilise des aéronefs semblables et les espèces d’oiseaux dangereux sont généralement les mêmes. Il se peut que les impacts causant des dommages aux États-Unis soient signalés avec une fréquence plus élevée que les impacts sans conséquences; cela expliquerait l’écart apparent entre les chiffres des deux pays.

Effet sur le vol Nombre d'incidents % total d'incidents
Aucun effet/Poursuite du vol 4 224 61,6
Atterrisage de précaution/forcé 608 8,9
Décollage interrompu 173 2,5
Ingestion dans les moteurs 137 2,0
Arrêt/Défaillance/Incendie du moteur 30 0,4
Vision obstruée 61 0,9
Déchirure du revêtement/de la cellule 73 1,1
Autres effets 114 1,7
Non signalés 1 442 21,0
Totaux 7 002 100,0

Tableau 7.3 Effets des impacts d'oiseaux sur les aéronefs au Canada (1991-1999)

Les impacts les plus susceptibles d’endommager un aéronef sont ceux qui mettent en cause les pièces suivantes :

  • moteurs : 16 pourcent et 40 pourcent au Canada et aux États-Unis respectivement,
  • ailes et rotors : 13 pourcent et 31 pourcent,
  • radome : 14 pourcent et 15 pourcent.

Les impacts qui touchent plusieurs moteurs présentent le plus grand danger pour les aéronefs; ce sont également ceux qui exigeront des réparations très coûteuses.

Comme on peut le deviner, les impacts de mammifères touchent d’autres pièces de l’aéronef que les impacts d’oiseaux. Dans l’ensemble, 607 des impacts signalés— 85 pourcent —dans la base de données de la FAA ont endommagé des composants variés :

  • le train d’atterrissage a été touché dans 63 pourcent des incidents, soit 251 événements,dont 158 ont entraîné des dommages;
  • les hélices ont été touchées dans 91 pourcent des incidents, frappées dans 109 impactset endommagées dans 99;
  • les ailes et les rotors ont été frappés 83 fois et endommagés dans tous les cas;
  • les moteurs ont été touchés dans 98 pourcent des événements : ils ont été endommagésdans 59 cas sur 60.

Effets sur le vol

Les impacts d’oiseaux sont très inquiétants dans tous les cas où ils provoquent des dommages et affectent le vol de l’aéronef. L’expérience canadienne entre 1991 et 1999 est résumée au tableau 7.3. Le lecteur doit savoir que les effets sur un vol peuvent être multiples. Dans 83 pourcent des cas, l’impact n’a pas eu d’effet et le vol s’est poursuivi. Un atterrissage de précaution a été nécessaire sous l’effet de neuf pourcent des impacts d’oiseaux signalés—beaucoup comportant des procédures d’urgence au sol. Des décollages interrompus se sont produits 173 fois—soit dans 2,5 pourcent des cas. Les décollages interrompus peuvent être dangereux lorsque la décision doit être prise près de la vitesse de décision V1, ce qui exige une intervention immédiate et une coordination bien synchronisée pour interrompre l’élan sans causer de dommages ou de perte de vies humaines.

Type d'aéronef 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Total
DeHavilland Dash-8 79 51 71 77 120 69 96 70 97 730
Boeing 737 115 32 62 53 54 36 61 45 38 496
DC-9/MD-80 59 30 38 46 60 47 35 15 27 357
Airbus A320 13 36 49 47 34 36 49 61 30 355
Boeing 767 27 16 22 17 31 25 8 19 11 176
Boeing 727 28 24 8 14 24 14 22 11 6 151
British Aerospace BA146 18 16 14 23 20 18 9 10 10 138
ATR 42 26 7 18 13 10 18 10 11 19 132
Fokker F28 9 0 6 6 18 17 15 16 16 103
Regional Jet CL65 0 0 0 0 11 28 27 26 1 93
Beech King Air 2 3 12 12 7 2 20 20 31 109
Canadair Challenger 11 8 9 2 6 10 0 11 8 65
Boeing 757 3 1 5 0 12 9 7 10 0 47
Boeing 747 3 5 1 10 3 8 5 11 10 56
BA Jetstream 31/41 5 3 5 7 8 0 7 12 5 52
McDonnell-Douglas DC-10 10 0 3 4 8 2 5 2 1 35

Tableau 7.4 Aéronefs civils percutés le plus souvent par des oiseaux au Canada (1991-1999)

Des ingestions par les moteurs se sont produites dans deux pourcent des cas, entraînant 30 pannes de moteur, des incendies et la coupure des moteurs par mesure de prudence. Au total, un pourcent des impacts signalés a causé des problèmes de moteurs potentiellement graves.

Aussi bien les données canadiennes qu’américaines concernant les effets sur le vol causés par des collisions avec des mammifères diffèrent de celles qui impliquent des oiseaux. Seulement 36 pourcent des 414 vols comportant un compte rendu complet n’ont pas eu de conséquences notables. Sur ces vols, 19 pourcent—79— ont nécessité l’interruption du décollage, tandis que 12 pourcent—49—ont nécessité un atterrissage de précaution.

Types d’aéronef touchés

Tous les aéronefs sont vulnérables aux collisions avec la faune, mais à différents degrés. Les types d’aéronefs les plus souvent touchés au Canada sont résumés au tableau 7.4. Les données suivantes indiquent que le nombre d’impacts par modèle d’aéronef est fonction :

  • du nombre des aéronefs en service,
  • du nombre des décollages et des atterrissages,
  • des aéroports utilisés par ce type d’aéronef.

Par exemple, l’aéronef le plus souvent touché au Canada est le Dash-8—un courtcourrier qui décolle et atterrit plusieurs fois dans la journée dans les aéroports les plus petits où les programmes de gestion de la faune font défaut.

Ingestions par les moteurs

Ce qui inquiète le plus dans la collision d’un avion de ligne avec des oiseaux est l’étendue des dommages causés et la perte de puissance qui peut résulter de l’ingestion par les moteurs. Malheureusement, les constructeurs de moteurs n’ont pas accès à toutes les données relatives aux événements causant des dommages—ce qui freine leur capacité de fabriquer des moteurs offrant une plus grande résistance. Après examen de près de 6 000 événements d’ingestion d’oiseaux impliquant des turboréacteurs CF6 et CFM à taux de dilution élevée, Tom Alge, de GE Aircraft Engines, a recommandé que toutes les ingestions d’oiseaux entraînant des dommages aux réacteurs soient signalées aux constructeurs de moteurs. Les ingestions sans conséquences—révélées durant la maintenance normale—ne sont pas non plus signalées uniformément. Alge a établi que sur 6 000 ingestions :

  • 40 pourcent sont survenues au décollage,
  • 10 pourcent dans la montée initiale,
  • 2 pourcent en phase de croisière,
  • 13 pourcent à l’approche finale,
  • 35 pourcent à l’atterrissage.

Bien que la fréquence des ingestions soit semblable au décollage et à l’atterrissage, les ingestions au départ ont causé des dommages deux fois plus importants que ceux qui ont été subis à l’arrivée.

Une étude de la FAA réalisée en 1995 par Banilower et Goodall a examiné les ingestions d’oiseaux touchant des turboréacteurs modernes à taux de dilution élevée utilisés sur les avions A300, A310, A320, B747, B757, B767, DC-10 et MD-11. Entre 1989 et 1991, on a dénombré 644 événements d’ingestion au cours de 3 163 020 mouvements par 1 556 aéronefs—traduisant à l’échelle mondiale un taux d’ingestion de 2,04 événements par 10 000 mouvements d’aéronefs. Le taux d’ingestion aux États-Unis était de 0,70 par 10 000 mouvements, par rapport à 2,52 ingestions par 10 000 mouvements dans le reste du monde. Durant ces trois ans, on a signalé 31 ingestions par des moteurs multiples— soit un taux de 9,8 pourcent par million de mouvements. L’étude de la FAA a indiqué que 47 pourcent des moteurs qui ont absorbé des oiseaux ont subi des dommages; dans la moitié de ces cas, les dommages ont été considérables.

  CANADA ÉTATS-UNIS
Groupe d'oiseaux Nombre total d'impacts % des impacts identifiés Nombre total d'impacts % des impacts identifiés
Non passereaux        
Oiseaux aquatiques (canards,oies, cygnes) 273 6,5 1 366 11,7
Oiseaux d'eau (héron, grue, huard, foulque) 37 0,9 51 0,4
Rapaces 341 8,1 1 320 11,4
Strigidés 102 2,4 250 2,1
Oiseaux de rivage 307 7,3 834 7,2
Goélands et sternes 1614 38,5 3 266 28,1
Pigeons et colombes 125 3,0 1 373 11,8
Gallinacés (tétras/faisans) 27 0,6 62 0,5
Autres non passereaux     54 0,5
Passereaux (oiseaux percheurs)        
Corvidés 65 1,6 208 1,8
Hirondelles 291 6,9 297 2,6
Merles 20 0,5 671 5,8
Étourneaux 160 3,8 591 5,1
Plectrophanes des neiges 300 7,2 33 0,3
Autres passereaux 529 12,6 1 253 10,8
Total des oiseaux identifiés 4 190 100,0 11 629 100,0
Total des oiseaux non identifiés 2 658   14 084  
Total des oiseaux percutés 6 848   25 713  

Tableau 7.5 Groupe d'oiseaux identifiés percutés communément au Canada et É.-U. (1991-1999)

Les données ont également montré que le risque d’ingestion varie selon l’emplacement. Le Canada, les États-Unis et quelques pays européens et de la région du Pacifique ont su atténuer leurs risques. Les risques les plus élevés ont été enregistrés dans les aéroports des pays d’Afrique et de quelques pays sud-américains, asiatiques et européens; ceux-ci auraient tout intérêt à mettre en place des programmes de gestion de la faune efficaces.

Espèces d’animaux impliquées dans les collisions

L’identification des espèces d’oiseaux et de mammifères qui entrent en collision avec des aéronefs s’avère utile pour la conception de tous les composants de l’avion ainsi que pour l’élaboration des programmes de gestion de la faune.

Les espèces et les quantités d’oiseaux frappés au Canada et aux États-Unis entre 1991 et 1999 sont résumées au tableau 7.5. Le tableau contient des renseignements se rapportant à 15 819 impacts signalés.

Durant la période 1991 à 1999, 152 collisions avec des mammifères ont été signalées au Canada et 681 aux États-Unis. Les espèces identifiées le plus souvent au Canada sont les suivantes :

Espèces/Groupes Causent des dommages Affectent les vols Immobilisation de l’aéronef Perte monétaire
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage # d’heures Pourcentage Coût* Pourcentage
Goélands et sternes 581 29,8 456 32,9 19 326 20,9 11,4 19,1
Oiseaux aquatiques 640 32,9 305 22,0 38 268 41,3 33,5 56,1
Rapaces (incluant les strigidés) 334 17,1 208 15,0 24 276 26,2 8,6 14,5
Pigeons et colombes 135 6,9 141 10,2 5 578 6,0 3,8 6,4
Merles/Étourneaux 73 3,7 91 6,6 1 240 1,3 0,7 1,1
Autres oiseaux d’eau 24 1,2 13 0,9 699 0,8 0,2 0,3
Oiseaux de rivage 85 4,4 77 5,5 2 994 3,2 1,2 2,1
Corvidés (corbeaux, etc.) 20 1,0 18 1,3 77 0,1 0,0 0,1
Passereaux 19 1,0 36 2,6 20 0,0 0,0 0,0
Tétras/Faisans 16 0,8 12 0,9 93 0,1 0,0 0,0
Faisans Divers 21 1,1 31 2,2 86 0,1 0,2 0,3
Total des espèces connues 1 948 100 1 388 100 92 657 100 59,6 100
Espèces inconnues 1 889   1 110   21 437   17,8  
Nombre total d’oiseaux 3 837   2 498   114 094   77,4  
* en millions $ US

Tableau 7.6 Groupes d’oiseaux identifiés le plus souvent percutés, Canada et É.-U. (1991-1998)

  • Lapins : 24 pourcent,
  • Mouffette rayée : 13 pourcent,
  • Coyote : 12 pourcent,
  • Renard : 11 pourcent, et
  • Cerf de Virginie : sept pourcent.

Aux États-Unis, 65 pourcent des comptes rendus mentionnent le cerf et 11 pourcent le coyote.

Impacts causant des dommages

La probabilité qu’un impact d’oiseau endommage un aéronef est liée à la taille de l’oiseau—à son poids—et à son comportement de vol qui détermine la quantité d’oiseaux en cause. Tant au Canada qu’aux États-Unis, les mouettes constituent le groupe d’oiseaux qui est frappé avec la plus haute fréquence—de 28 à 39 pourcent (tableau 7.5). Les mouettes sont impliquées dans 30 pourcent des impacts d’oiseaux qui causent des dommages (tableau 7.6). Les oiseaux aquatiques—principalement les canards et les oies—sont en cause dans 33 pourcent de ces collisions, mais seulement dans 12 pourcent des collisions signalées aux États-Unis. Les oiseaux de proie, y compris les hiboux, sont également impliqués dans un pourcentage plus élevé d’impacts dommageables—17 pourcent comparativement à 11 pourcent du nombre total des impacts. Les pigeons et les colombes représentent 11 pourcent des impacts aux États-Unis—seulement 6,4 pourcent de ceux qui causent des dommages. D’autres passereaux représentent 11 pourcent des impacts globaux mais moins de un pourcent de ceux qui causent des dommages (tableaux 7.5 et 7.6).

Coûts relatifs selon l’espèce

La base de données de la FAA renseigne sur le nombre d’heures d’immobilisation de l’aéronef et les coûts signalés des incidents d’impact. Le tableau 7.6 illustre de quelle manière l’influence par ailleurs forte des impacts de mouettes a tendance à chuter :

  • les oiseaux aquatiques sont impliqués dans 41,3 pourcent du temps d’immobilisationtotal et représentent 56 pourcent des coûts afférents aux dommages subis,
  • oiseaux de proie : 26,2 pourcent du temps d’immobilisation et 14, 5 pourcent descoûts,
  • mouettes : 21 et 19 pourcent respectivement,
  • pigeons et colombes : six et 6,4 pourcent.

Espèces dangereuses

Pour identifier les espèces d’oiseaux les plus dangereux, il faut tenir compte de certains facteurs, notamment :

  • le nombre d’oiseaux présents;
  • le poids et la densité des oiseaux;
  • le comportement de vol;
  • le comportement des oiseaux à l’aéroport et à proximité;
  • leur réaction face à l’aéronef.

Peu d’études ont été réalisées sur le comportement des oiseaux à l’approche d’un aéronef. En fonction de l’expérience canadienne et américaine, il est clair que les oiseaux aquatiques, les mouettes, les oiseaux de proie, les pigeons et les colombes sont les espèces les plus dangereuses sur notre continent. Cela ne veut pas dire que d’autres espèces ou groupes ne sont pas plus importants dans tel ou tel autre aéroport.

L’examen de la base de données mondiale de l’OACI montre des tendances analogues. Par exemple, entre 1994 et 1996, on a établi que 743 impacts d’oiseaux ont causé d’importants dommages. L’espèce ou le groupe était connu dans 419 de ces cas—les mouettes constituant la première cause de dommages graves dans 32 pourcent des incidents, suivies des oiseaux de proie—y compris les hiboux—21 pourcent, et des oiseaux aquatiques dans 20 pourcent des cas.

Conclusions

Pour résumer, il importe de souligner l’utilité des statistiques sur les impacts d’oiseaux et l’importance de la collecte de données sur ces collisions—données qui procurent :

  • un outil fondamental d’analyse du risque en vue de l’élaboration des stratégiesd’atténuation du risque;
  • un moyen d’évaluer le rendement des stratégies de gestion de la faune;
  • des renseignements sur les coûts démontrant l’ampleur du problème des impactsd’oiseaux;
  • la justification des dépenses nécessaires pour aborder le problème des impacts de la faune;
  • un outil de planification essentiel au fondement des programmes de gestion de la faunedans les aéroports;
  • les données nécessaires aux constructeurs de moteurs et de cellules pour concevoirdes moteurs et des cellules plus sûrs et offrant une meilleure résistance aux impactsd’oiseaux;
  • les renseignements dont ont besoin les sociétés d’assurances;
  • les renseignements utiles aux exploitants d’aéroport pour montrer qu’ils ont faitpreuve de diligence raisonnable en traitant les problèmes posés par les impactsd’oiseaux et de mammifères à leurs installations.

La collecte et l’évaluation des données sur les impacts de la faune constituent la clef de voûte d’un environnement aérien plus sûr.