Introduction

Le Canada dispose actuellement de trois textes législatifs sur les naufrages, chacun traitant de différents aspects des naufrages survenant dans les eaux intérieures et la mer territoriale1, soit la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (LMMC 2001), la Loi sur la protection des eaux navigables (LPEN) et la Loi sur la responsabilité en matière maritime (LRMM).

Entre autres choses, la LMMC 2001 établit la responsabilité du gouvernement fédéral, à titre de Receveur d'épaves, de protéger les intérêts du propriétaire d'un bâtiment naufragé ou abandonné, ainsi que les intérêts des sauveteurs pour faire en sorte que ces derniers soient rétribués pour leurs efforts.

La partie 7 de la LMMC 2001 plus particulièrement, prévoit les mesures à prendre relativement aux « épaves trouvées » et dont le propriétaire n'est pas connuAperçu de la Convention internationale de Nairobi sur l'enlèvement des épaves de 2007. Toute personne qui découvre une épave et en prend possession est tenue de signaler sa découverte sans délai au Receveur d'épaves et de fournir l'information et les documents exigés. Il incombe ensuite au Receveur d'épaves de tenter de retracer le propriétaire de l'épave, puis de remettre l'épave ou le produit de son aliénation à toute personne qui a démontré, à la satisfaction du receveur, qu'elle en est bien la propriétaire.

La personne qui a découvert et pris possession d'une épave conformément aux mesures prévues à la partie 7 de la LMMC 2001 a droit à une indemnité de sauvetage dont le montant ou la valeur est déterminé par le Receveur d'épaves. Si le propriétaire de l'épave demeure introuvable ou que nul ne fait valoir son droit à l'épave dans les 90 jours suivants la date à laquelle la découverte de l'épave a été signalée, le Receveur d'épaves peut procéder ou faire procéder à l'aliénation de l'épave et le produit de cette aliénation est versé, après paiement de l'indemnité de sauvetage, des coûts et des frais, au receveur général du Canada.

Il convient de mentionner que bien que le receveur d'épaves ait, à l'expiration du délai de 90 jours, le pouvoir de procéder ou de faire procéder à l'aliénation d'une épave ou d'un navire abandonné, il n'est pas dans l'obligation d'exercer ce pouvoir.

La LMMC 2001 met également en application la Convention internationale de 1989 sur l'assistance3, qui prévoit des règles internationales uniformes à l'égard des opérations d'assistance, lesquelles reconnaissent l'importante contribution des opérations de sauvetage, lorsqu'elles sont menées efficacement et en temps utile, à la sécurité des bâtiments et à la protection de l'environnement. L'un des objectifs de la Convention sur l'assistance est de fournir des incitatifs adéquats afin d'encourager les sauveteurs à entreprendre des opérations d'assistance dans le but de sauver des vies ou de préserver des biens, et de prévenir des dommages à l'environnement. La Convention réalise cet objectif en établissant le droit des sauveteurs de recevoir une indemnité en contrepartie de toute opération d'assistance réussie, selon des critères qui reconnaissent la valeur du navire ou des biens récupérés, le niveau d'effort et de compétence déployé par les sauveteurs, et les coûts et les dangers encourus par ces derniers. La Convention sur l'assistance exige également qu'il soit fait preuve de toute la diligence requise en ce qui concerne la prévention et l'atténuation des dommages à l'environnement et prévoit le versement par le propriétaire du bâtiment d'une indemnité spéciale aux sauveteurs lorsque le navire ou la cargaison constitue une menace pour l'environnement.

La partie 2 de la Loi sur la protection des eaux navigables (LPEN) prévoit, entre autres choses, les mesures à prendre relativement au marquage et à l'enlèvement de toute épave obstruant, entravant ou rendant dangereuse ou plus difficile la navigation dans des eaux navigables de compétence fédérale.

Le propriétaire, le capitaine ou le responsable du bateau4 ou de l'objet5 qui cause une obstruction ou un obstacle doit envoyer un avis au ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités ou au préposé en chef des douanes du port le plus proche ou le plus commode. Le propriétaire, le capitaine ou le responsable du bateau ou de l'objet doit également installer et, aussi longtemps que l'obstruction ou l'obstacle sera présent, maintenir un signal de jour ainsi qu'une balise éclairant suffisamment pour indiquer la position du bateau ou de l'objet la nuit. Le ministre peut faire installer et maintenir le signal et la balise si le propriétaire, le capitaine ou le responsable omet ou néglige de le faire. Le propriétaire a l'obligation de procéder à l'enlèvement immédiat du bateau.

L'article 16 de la LPEN habilite le ministre à faire immobiliser, enlever ou détruire toute épave, bateau ou pièce de bateau ou tout autre objet qui, depuis plus de vingt-quatre heures :

  • gêne, obstrue ou rend plus difficile ou dangereuse la navigation;
  • est dans une position qui risque de gêner, obstruer ou rendre plus difficile ou dangereuse la navigation;
  • est jeté à la côte, échoué ou laissé en un lieu d'appartenance fédérale et fait obstacle ou obstruction à l'utilisation du lieu à des fins publiques fédérales.

Le ministre peut ordonner le transport ou la vente du bateau mentionné à l'article 16, de sa cargaison ou des autres objets qui constituent l'obstacle ou causent l'obstruction ou en font partie, et employer le produit de la vente pour couvrir les frais engagés pour la fabrication, l'immobilisation, l'enlèvement, la destruction ou la vente du bateau, de sa cargaison ou des objets. Le ministre peut également recouvrer le coût pour baliser, immobiliser, enlever, détruire ou vendre le bateau, sa cargaison ou les objets de diverses personnes6.

La Loi sur la responsabilité en matière maritime (LRMM) est un cadre complet traitant de la responsabilité des propriétaires et des exploitants de navires en ce qui a trait aux passagers, à la cargaison, à la pollution et aux dommages matériels. La LRMM met en œuvre quatre conventions de l'OMI qui peuvent affecter la responsabilité et l'indemnisation en cas d'incident maritime y compris les incidents entraînant un naufrage. Ces conventions, qui s'emploient sur les eaux intérieures, les eaux territoriales et la zone économique exclusiveAperçu du Canada, comprennent :

  • la Convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, telle que modifiée par le Protocole de 1996 (CLRMCM). Cette convention fournit un ensemble de règlements internationaux en fixant le niveau de responsabilité des propriétaires de navires concernant les dommages matériels et les blessures causés par un incident maritime, y compris les dommages environnementaux et matériels causés par un naufrage. Cependant, le Canada a joint une réserve à sa ratification du Protocole CLRMCM de 1996 excluant au propriétaire du navire le droit de limiter sa responsabilité à l'égard des créances pour avoir renfloué, enlevé, détruit ou rendu inoffensif un navire coulé, naufragé, échoué ou abandonné, y compris tout ce qui se trouve ou s'est trouvé à bord;
  • la Convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, telle que modifiée par le Protocole de 1992 (CLC). Cette convention fixe le niveau de responsabilité des propriétaires de navires concernant les dommages matériels et la réparation des dommages environnementaux causés par un déversement d'hydrocarbures par un bâtiment construit ou adapté pour le transport des hydrocarbures en vrac (c.-à-d. un navire pétrolier), y compris des mesures pour prévenir ou minimiser de tels dommages. La CLC oblige également les propriétaires de navires pétroliers à souscrire une assurance pour couvrir leur responsabilité en cas de pollution par hydrocarbures et prévoit un droit d'action directe contre les assureurs en cas de créance;
  • la Convention internationale de 1971 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (la Convention sur le Fonds international), telle que modifiée par le Protocole de 1976, de 1992 et de 2003. Cette convention institue différents fonds d'indemnisation pour les victimes d'événements de pollution par les hydrocarbures dans lesquels le montant total des réclamations dépasse la limite de responsabilité du propriétaire du navire-citerne en vertu de la Convention CLC. Puisque la ratification du Protocole portant création d'un fonds complémentaire dans le cadre de la Convention sur le Fonds international par le Canada est entré en vigueur le 2 janvier 2010, le fonds fournira 1,2 milliards de dollars au maximum par incident en tant que compensation supplémentaire pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures en surplus de la limite de responsabilité de l'armateur.
  • Convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (Convention sur les hydrocarbures de soute). La Convention sur les hydrocarbures de soute propose une série de règlements internationaux régissant la responsabilité de l'armateur relative aux déversements de combustible de soute servant à propulser le navire, y compris la responsabilité relative aux mesures prises pour empêcher ou réduire les dommages entraînés par ces déversements. En plus d'établir le niveau de responsabilité relatif aux déversements de carburant, la Convention stipule que tous les navires ayant des tonneaux de jauge brute (TJB) de plus de 1000 tonnes doivent disposer d'une assurance couvrant cette responsabilité.

Bien que les différentes conventions de l'OMI traitant de responsabilité et d'indemnisation s'appliquent à la zone économique exclusive du Canada ainsi qu'à ses eaux intérieures et territoriales, les règlements qui s'appliqueraient à la capacité d'intervention du Canada en cas de naufrage ou lorsqu'un navire risque de faire naufrage dans la zone économique exclusive ne sont pas clairs. L'article 56 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la merTable des matières (UNCLOS) prévoit que les états côtiers ont des droits souverains dans la zone économique exclusive en ce qui a trait aux ressources naturelles, mais leur autorité se limite à : i) l'établissement et l'utilisation d'îles artificielles, d'installations et de structures, ii) la recherche scientifique marine et iii) la protection et la conservation du milieu marin. De plus, l'UNCLOS ne semble pas reconnaître les compétences des états côtiers en ce qui a trait aux épaves et aux navires abandonnés dans la zone économique exclusive qui constituent un danger pour la navigation.

Le Canada aurait donc le droit d'adopter des mesures d'intervention en ce qui concerne les épaves situées dans sa zone économique exclusive qui constituent un danger pour l'environnement. Cependant, aucun règlement international ne régissait les droits et les obligations des armateurs, des états côtiers et des États du pavillon jusqu'à tout récemment en ce qui concerne les épaves situées dans la zone économique exclusive.

La Convention de Nairobi répond à cette préoccupation en proposant la première série de règlements internationaux uniformes visant à garantir l'enlèvement d'épaves de façon rapide et efficace dans la zone économique exclusive d'un état côtier. La Convention de Nairobi définit les droits et les obligations des armateurs, des États du pavillon et des états côtiers en ce qui a trait au marquage et à l'enlèvement des épaves, y compris les navires en dérive qui constituent un danger pour la navigation ou l'environnement. Les états côtiers peuvent également étendre l'application de cette nouvelle Convention aux épaves situées sur leur territoire, notamment à leurs eaux intérieures et territoriales.

L'aperçu suivant décrit certaines des principales dispositions de la Convention de Nairobi. On encourage les parties intéressées à examiner le texte de la convention.

 

 

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1 La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) définit la mer territoriale comme la partie de mer côtière sur laquelle s'étend la souveraineté d'un État côtier. Sa largeur maximale est fixée à 12 miles marins à partir de la ligne de base. La définition que donne l'UNCLOS de « mer territoriale » a force de loi au Canada, sous le régime de la Loi sur les Océans (article 4). La Loi sur les Océans définit les eaux intérieures comme les eaux situées en deçà de la ligne de base de la mer territoriale du Canada (article 6).
2 Au sens de la LMMC 2001, « épave » désigne toute épave rejetée, flottante, attachée à une bouée ou abandonnée ainsi que tous les objets qui se sont détachés d'un bâtiment naufragé, échoué ou en détresse ou qui se trouvaient à son bord, de même que tout aéronef naufragé dans des eaux et tous les objets qui se sont détachés d'un aéronef naufragé, échoué ou en détresse dans des eaux ou qui se trouvaient à son bord.
3 La Convention internationale de 1989 sur l'assistance a été ratifiée par le Canada et est entrée en vigueur le 14 juillet 1996. Le Canada s'est toutefois réservé le droit de ne pas appliquer les dispositions de la Convention dans les cas où le bien en cause est un bien maritime culturel présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique et repose sur le fond marin.
4 Dans la LPEN, par « bateau », on entend toute construction flottante, conçue ou utilisée pour la navigation en mer ou dans les eaux internes, qu'elle soit pourvue ou non d'un moyen propre de propulsion. Est compris dans la présente définition tout ce qui fait partie des machines, de l'outillage de chargement, de l'équipement, de la cargaison, des approvisionnements ou du lest du bateau.
5 Aux articles 15 à 18 et 20 de la LPEN, un « objet » ne vise l'objet d'origine naturelle que si l'obstacle ou l'obstruction à la navigation qu'il constitue ou risque vraisemblablement de constituer est imputable à une personne.
6 Texte du paragraphe 18 (2) : Les créances visées au paragraphe (1) appartiennent à Sa Majesté du chef du Canada qui peut les recouvrer, selon le cas :

 

 

  • (a) du propriétaire, du propriétaire-exploitant, du capitaine ou du responsable du bateau ou de l'autre objet lors de la survenance du fait générateur de l'obstruction visé au paragraphe (1);
  • (b) de quiconque a, par ses actes ou sa faute ou par les actes ou la faute de ses préposés occasionné ou continué l'obstruction ou l'obstacle.

7 La zone économique exclusive est définie dans la Loi sur les océans en tant que zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci et qui s'étend jusqu'à deux cents milles marins de la ligne de base de la mer territoriale du Canada.
8 L'UNCLOS est entrée en vigueur au Canada le 7 décembre 2003.