Opérations des navires

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7.1 Navigation tactique - Numéraux glaciels négatifs

À certaines étapes du voyage, il peut s’avérer nécessaire de traverser des secteurs locaux dont le numéral glaciel du navire est négatif. On doit éviter de tels secteurs dans la planification du voyage.

Avec le système des régimes de glaces, l’entrée volontaire dans un régime de glaces négatif à l’extérieur des limites des zones et des dates est interdite.

De telles situations peuvent se développer lorsque le navire suit un plan de voyage établi à partir d’information sur les glaces dont la résolution des données utilisées pour tracer la carte est trop grande pour la taille des floes locaux, ou tout simplement d’information de la vieille glace. Il se peut également que dans la définition d’un régime de glaces se trouvent plusieurs régimes au niveau tactique n’apparaissant pas sur les cartes des glaces à cause de l’échelle et des détails nécessaires pour indiquer chacun des régimes de glaces pour le navire. Qui plus est, un navire, en fin de saison, risque de ne pouvoir éviter des conditions s’aggravant alors que la glace épaissit au lieu de s’amincir.

Lorsque le capitaine ou l’officier de navigation dans les glaces fait face à de telles situations, il peut:

  1. choisir une autre route,
  2. obtenir de l’information sur les glaces plus récente ou de meilleure qualité,
  3. attendre une amélioration de la météo ou de l’état de la glace, ou
  4. demander l’aide d’un brise-glace en appelant le NORDREG .

Dans de telles situations, le  NORDREG est en mesure de fournir de l’information additionnelle et connaît exactement la position des brise-glaces. Il ne faut pas oublier d’inclure dans le rapport postérieur aux opérations les commentaires relatifs à une telle situation lorsqu’on navigue à l’extérieur du système des zones et des dates.

7.2 Opérations sous escorte

Lorsque l’état des glaces empêche ou entrave sérieusement les opérations d’un navire, il peut s’avérer nécessaire de naviguer avec un autre navire de même capacité ou d’être escorté par un navire de capacité supérieure. Les opérations sous escorte sont plus particulièrement permises dans le Système des régimes de glaces, et doivent être évaluées au cas par cas lors de la planification des routes et du calcul des régimes de glaces locaux. En certaines circonstances, un navire escorteur peut faciliter le passage dans les glaces (par exemple, en cassant de larges pans de glace dangereuse ou en aidant le navire à manoeuvrer près des glaces). Toutefois, si le sillage du navire escorteur est trop étroit, si la glace est sous pression, ou pour d’autres raisons, l’efficacité du navire escorteur risque d’être sérieusement moindre.

On prendra la décision de poursuivre la route en évaluant le régime des glaces modifié par le navire escorteur.

Les commandants du navire escorteur et du navire escorté doivent travailler en étroite collaboration. Le brise-glace décide si l’ouverture d’une route ne présente aucun danger, mais le capitaine du navire escorté continue à évaluer l’état des glaces afin de déterminer si la poursuite de la route est sans danger et à quelle vitesse il doit avancer.
On doit définir les méthodes de communication et les procédures d’exploitation avant le début de toute opération d’escorte et tout au long de la route. Il se peut qu’on doive faire parvenir au briseglace un message de demande d’escorte (section 4.0, partie B). Le document Navigation dans les glaces en eaux canadiennes (section 2.7.2) fournit l’information sur les procédures recommandées pour les opérations d’escorte par les brise-glaces.

Facteurs dont il faut tenir compte lors d’une opération d’escorte:

  • largeur du sillage du brise-glace comparée à la largeur du navire escorté,
  • taille, épaisseur et force des morceaux de glaces laissés dans le sillage,
  • la vraisemblance des pressions pouvant refermer rapidement le sillage.

7.2.1 Calcul d’un numéral glaciel derrière un navire escorteur

On doit considérer le sillage du navire escorteur et l’état des glaces avoisinantes comme un régime de glaces particulier. Le calcul du numéral glaciel demeure le même. On doit évaluer l’épaisseur, les concentrations et la taille des floes dans le sillage (âge et type de glace). Si les floes ont moins de deux mètres de diamètre, on les considère comme du brash avec un multiplicateur glaciel équivalant à celui de l’eau libre: +2. Lorsqu’on additionne les dixièmes de brash et d’eau libre, on peut obtenir un régime positif, mais il ne s’agit pas nécessairement d’un critère de sécurité.

On naviguera avec extrême prudence dans le sillage d’un brise-glace en raison de son étroitesse. Les floes, bien que de petites tailles, peuvent avoir plusieurs mètres d’épaisseur et être forcés vers l’avant dans le sillage, sous la nappe glacière, ou écrasés entre la muraille du navire et la lisière des glaces.

Toujours assurer un quart prêt à utiliser les voyants d’alarme rouges du brise-glace ou la corne avant du navire.

7.3 Voyage en début de saison

On peut décrire un voyage en début de saison comme un voyage au cours duquel le navire projette d’entrer dans l’Arctique canadien avant le début de la fonte des glaces et devra briser de nombreuses glaces pour atteindre sa destination. Selon le secteur, les voyages en début de saison ont lieu en mai, en juin ou au début juillet.

Avant le départ, le navire qui planifie un voyage en début de saison doit communiquer avec le Service canadien des glaces pour se procurer une copie de l’aperçu saisonnier, et des prévisions pour 30 jours (voir la section 4.5 du présent document pour les adresses et les numéros de téléphone). Au fur et à mesure que le navire progresse dans l’Arctique canadien, il doit surveiller les fréquences de radiocopie  HF afin de recevoir les cartes d’analyse quotidienne des glaces et les cartes des lisières de glace. (Voir Aides radio à la navigation maritime)

Lorsque le navire est à environ 24 heures des zones de contrôle de la sécurité de la navigation, il doit transmettre un message de routage en régime de glaces au  NORDREG (section 4.2). Le  NORDREG enverra un accusé de réception à l’effet que le navire pénètre dans la zone de trafic de l’Arctique canadien. Ce message peut également comporter une route recommandée. Lorsqu’il atteint la latitude de 60° nord, les rapports transmis au  NORDREG doivent être des rapports  TUC 1600. Le navire doit continuer à surveiller les émissions de radiocopies  HF et les transmissions radio sur les prévisions des glaces afin de recevoir l’information sur les glaces la plus récente.

Au cours de voyages en début de saison, un navire peut projeter d’entrer dans une zone à l’extérieur du système des zones et des dates. Cela est possible à l’aide du système des régimes de glaces si on calcule que les numéraux glaciels sont positifs. Dans un tel cas, le navire devra embarquer un officier de navigation dans les glaces. Il devra transmettre un message de routage en régime de glaces au  NORDREG par l’entremise du centre de Services de communications et de trafic maritime le plus près et, à la fin du voyage, un rapport postérieur aux opérations (tel que décrit à la section 5.2). On ne doit pas oublier que durant la période de transition, le rapport postérieur aux opérations est toujours requis lorsqu’on utilise le système des régimes de glaces, même si on n’a croisé que des numéraux glaciels positifs.

Au cours d’un voyage en début de saison, l’état des glaces va en s’améliorant en raison des jours plus longs et des glaces qui se désagrègent. Ainsi, bien que les délais au cours d’un voyage au début de saison soient indésirables, il est préférable et plus sûr d’attendre que l’état des glaces s’améliore.

7.4 Voyage de fin de saison

Les voyages de fin de saison (fin octobre ou novembre) méritent une attention particulière car il est évident que l’état des glaces se détériorera au cours du voyage, parfois rapidement. Les puissants orages de fin de saison peuvent pousser d’importantes quantités de glaces pluriannuelles du nord vers les voies navigables. Un exemple de ce phénomène est le déplacement de glaces pluriannuelles du bassin Kane et du détroit de Smith vers la côte ouest de la baie de Baffin, incluant la formation d’une barrière de glace nord-sud qui peut bloquer l’entrée du détroit de  Lancaster.

Avant le départ, le navire qui planifie un voyage de fin de saison doit communiquer avec le Service canadien des glaces pour se procurer une copie de l’aperçu saisonnier, et des prévisions pour 30 jours (section 5.5). Au fur et à mesure que le navire progresse dans l’Arctique canadien, il doit surveiller les fréquences de radiocopie  HF afin de recevoir les cartes d’analyse quotidienne des glaces et les cartes des lisières de glace. (Voir Aides radio à la navigation maritime)

Lorsque le navire est à environ 24 heures des zones de contrôle de la sécurité de la navigation, il doit transmettre un message de routage en régime de glaces au  NORDREG (section 4.2). Le  NORDREG enverra un accusé de réception à l’effet que le navire pénètre dans la zone de trafic de l’Arctique canadien. Ce message peut également comporter une route recommandée. Pour les voyages de fin de saison, la communication avec le  NORDREG est très importante car l’aide d’un brise-glace peut s’avérer nécessaire si les conditions se détériorent rapidement.

Il est également possible d’établir le contact sur fréquences  HF avec d’autres navires ou des brise-glaces se trouvant dans le secteur. Ces navires peuvent être en mesure de fournir de l’information additionnelle sur l’état des glaces ou de l’aide si nécessaire.

Pour de tels voyages, un navire peut projeter d’entrer dans une zone à l’extérieur du système des zones et des dates. Cela est possible en vertu du système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique sous certaines conditions. Le navire devra embarquer un officier de navigation dans les glaces (voir la section 7.2), soumettre un message de routage en régime de glaces qui démontre les régimes de glaces positifs sur la route du navire, et remettre un rapport postérieur aux opérations dans les 30 jours suivant sa sortie des eaux régies par le NORDREG . Pour obtenir de l’aide dans ces secteurs, on communiquera avec le  NORDREG par l’entremise du centre de Services de communications et de trafic maritime le plus près.

La plupart du temps, un brise-glace de la Garde côtière est près à intervenir auprès des navires qui circulent dans l’Arctique en fin de saison.

7.5 Opérations des remorqueurs et des chalands

Les Normes pour le système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique ( TP ne couvrent pas entièrement certains aspects des opérations de remorquage tels la diminution de la puissance de déglaçage d’un navire qui fait du remorquage, le risque accru de collision entre un remorqueur et le train de remorque, et les contraintes quant à la route imposées par la taille et la manoeuvrabilité du train de remorque en rapport aux caractéristiques du remorqueur1.

Contrairement au simple calcul du numéral glaciel pour un navire qui entre dans un régime de glaces, on doit tenir compte de différents facteurs tels la résistance de la coque ou la cote glace de remorqueur et de chaque composant du train de remorque avant l’entrée d’un remorqueur et de son train de remorque dans un régime de glaces. Du point de vue des structures, les multiplicateurs glaciels qui seront utilisés doivent correspondre à la structure/cote glace la plus basse du train, et le commandant du remorquage devra vérifier régulièrement au cours du remorquage s’il n’y a pas de dommages. Avant d’entrer dans le régime de glaces, on devra considérer, entre autres, les facteurs suivants:

  • la qualité (date / résolution / source) de l’information disponible sur les glaces,
  • la diminution de puissance de déglaçage du remorqueurs1,
  • la méthode de remorquage1 (couplage direct ou conventionnel),
  • les différences de largeur et de déplacement entre le remorqueur et le train1,
  • la taille des floes1 et les indications de pression, et
  • l’efficacité de l’escorte1, s’il y en a une.

Les opérations des remorqueurs et des chalands et autres trains de remorque dans l’Arctique doivent être menées avec une prudence particulière. La maîtrise de la direction peut s’avérer difficile, et la vitesse du remorqueur et du train peut changer presque instantanément, ce qui accroîtra les risques de collision avec les floes. On choisira les distances et les vitesses de remorquage appropriées en se fondant sur l’expérience, la compréhension et la prudence.

 

Le  M/V TERRY FOX remorquant le ARCTIC KIGGIAC, 1991 Photo: B. Cowper

1 Ébauche - Examen opérationnel des Normes pour le système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique pour les opérations des remorqueurs et des chalands, pages 1 et 2, mars 19977.6

7.6 Équipage et équipement

Tout navire qui projette d’entrer dans les eaux arctiques doit être doté d’un équipage adéquat et d’équipement adapté aux conditions ambiantes du voyage. Tel que mentionné précédemment, on devra naviguer avec extrême prudence afin de prévenir tout dommage à la coque et à l’appareil propulsif. Tout navire qui entreprend son premier voyage dans les eaux arctiques risque de faire face à des problèmes imprévus et doit avoir des plans d’intervention d’urgence pour effectuer les réparations et rattraper les retards.

Les phénomènes naturels peuvent nuire aux communications et réduire les performances de l’équipement. Les problèmes les plus fréquents ont rapport à la vitesse (surtout le composant est-ouest), à l’amortissement des gyros, aux variation magnétiques, aux perturbations ionosphériques qui brouillent les transmissions radio, et à l’obtention d’une vue dégagée d’un satellite  INMARSAT au nord du 73e degré.

La navigation dans l’Arctique peut devenir très exigeante et fatigante. Lorsqu’un exploitant planifie une longue route au cours de périodes difficiles dans les glaces à l’aide du système des régimes de glaces pour la navigation dans l'Arctique, il fera preuve de prudence en s’assurant qu’il dispose à son bord d’un nombre suffisant d’officiers de navigation dans les glaces1.

Peu de ports et de terminaux de l’Arctique offrent les mêmes installations que ceux dans les régions plus au sud. On doit donc disposer d’un équipage et d’équipement suffisants pour surmonter tous les obstacles. Les commandants doivent s’assurer de bien connaître les installations à terre lorsqu’ils planifient leurs voyages.

Pour les voyages avec transfert d’hydrocarbures vers le navire ou du navire, certaines exigences pour l’équipage et l’équipement peuvent s’appliquer selon le lieu de transfert. On trouvera plus de détails dans les Directives en matière de transfert ou de transbordement d’hydrocabures dans les eaux de l’Arctique,  TP 10783. (Voir la liste des documents de référence à la section 8.2 pour une demande de copie.)

On doit également tenir compte du matériel de sécurité et d’intervention d’urgence. Les commandants doivent savoir que les voyages, à toute période de l’année, peuvent traverser des conditions difficiles, et que ceux durant les mois d’hiver se feront à des températures extrêmement basses. Sous de telles conditions, le matériel de sécurité standard risque de ne pas fonctionner normalement, c’est-à-dire de ne pas assurer toute la protection voulue.

Transports Canada a rédigé le Guide de survie au froid à l’usage des marins,  TP 11690, et un Manuel de survie en mer dans les régions froides, TP 11969. Ces documents expliquent en détail et résument, respectivement, les conseils pratiques pour la survie par temps froid en milieu marin. Les commandants qui planifient des voyages dans l’Arctique doivent connaître ces publications et s’assurer que des copies sont disponibles pour l’équipage.

 

 

1. Sur le sujet de la navigation dans les glaces qui est exigeante et fatigante, on peut consulter le rapport de recherche et développement suivant: Hours of Work and Rest of Canadian Ice Navigators on board Foreign Registered Vessels in Arctic Waters, page 17, section 4.2.5, mars 1998,  TP 13207 E

 

 

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