Sommaire de recherche - application de la loi de définitions

  • Dans le cadre de l’examen de la loi sur le pilotage

Ted Gale

Octobre 2017

Le présent rapport est composé de quatre chapitres et d’une annexe :

Conduite du navire : La Loi sur le pilotage stipule qu’un pilote breveté qui exerce ses activités dans une zone de pilotage obligatoire assure la conduite du navire. La Loi ne précise pas comment le pilote exerce cette conduite, à part en établissant la responsabilité du pilote d’assurer la sécurité de la navigation. Des pilotes ont parfois fait valoir un pouvoir indépendant, auquel se sont opposés des capitaines ou un propriétaire de bâtiment. Le client a demandé si la définition de pilote et/ou les dispositions de fond de la Loi devraient être modifiées afin de clarifier la définition de « conduite du navire » ou de fixer quelques paramètres, qu’il s’agisse de contraintes ou d’obligations positives, pour le rôle du pilote lorsqu’il est à bord d’un bâtiment assujetti au pilotage obligatoire.

Le terme « conduite » apparaît dans sept dispositions de fond de la Loi. La définition du terme « pilote » (qui inclut la conduite du navire) dans la Loi tire ses origines dans la législation britannique du 19e siècle et ce terme est utilisé couramment dans les lois sur le pilotage des pays du Commonwealth. La « conduite » semble être interprétée largement à l’échelle internationale, sans qu’il soit nécessaire d’élaborer davantage dans la loi.

Tandis que le pilote s’est vu octroyer le contrôle d’un navire à des fins de navigation, cela ne signifie pas que le pilote a remplacé le capitaine. En effet, le capitaine demeure responsable de la sécurité et du bien-être du navire et de son équipage. Alors que la Loi sur le pilotage n’aborde pas spécifiquement la relation entre le capitaine et le pilote, ce lien est prévu dans la législation (dans les dispositions sur les limites à la responsabilité civile du pilote et sur la capacité du capitaine à prendre le contrôle de la navigation dans les cas de danger et d’incapacité du pilote). Ceux qui cherchent une codification de la relation entre le capitaine et le pilote trouveront utiles les renseignements fournis dans les documents de l’Organisation maritime internationale et dans les guides publiés par la Garde côtière canadienne, Transports Canada et les associations de pilotes. Ces guides ont en grande partie un rôle consultatif et ne sont pas juridiquement contraignants. 

La Commission royale d’enquête sur le pilotage, notant une « lacune » dans la définition juridique du terme « pilote », a proposé une reformulation de la définition standard. Ce libellé mérite d’être examiné, même si son incidence sur le plan juridique était inférieure à celle de nouvelles dispositions visant explicitement à décrire les fonctions et les responsabilités des pilotes et des capitanes pendant le pilotage. Le rapport fournit des exemples de telles dispositions dans les lois étrangères. Le chapitre présente deux options à cet égard : i) l’ajout d’un code à l’intention des pilotes dans le corps de la loi, afin d’adopter une approche nationale uniforme; et ii) la création d’un pouvoir de réglementation afin de créer une Administration de pilotage chargée d’élaborer et de promulguer son propre code de pratique. Les deux options pourraient être rendues exécutoires, au moyen des tribunaux ou par l’imposition de sanctions administratives.

Responsabilité du pilote : La Loi sur le pilotage fixe la limite en matière de responsabilité civile à 1 000 $ au titre de la responsabilité civile d’un pilote breveté pour les pertes causées par la mauvaise exécution des fonctions du pilote (se distingue de l’« acte délictueux »). La Loi protège également Sa Majesté, l’administration de pilotage et la corporation de pilotes de la responsabilité du fait d’autrui découlant du rendement du pilote. Les deux premières sont également indemnisées de toute responsabilité à l’égard des actes délictueux du pilote. Le client a demandé si l’approche adoptée dans la Loi à l’égard de la responsabilité civile reflète toujours les normes internationales et si le plafond de 1 000 $ au titre de la responsabilité, qui est le même depuis 1972, doit être réexaminé. La Convention de Bruxelles de 1910 en matière d’abordage constitue l’un des principaux instruments visant l’attribution de la responsabilité entre les pilotes et les bâtiments. Le Canada a adhéré à cette convention qui protège en grande partie les pilotes contre la responsabilité civile (mais non contre la responsabilité en matière administrative et pénale).

L’examen des cadres juridiques des pays développés n’a pas permis de cerner des ressorts où il est possible d’obtenir d’importantes sommes en recouvrement du pilote, du port local ou de l’administration maritime pour la perte, les dommages ou les responsabilités découlant de l’erreur du pilote. Le principe général prévu dans les lois de ces pays est que le pilote, alors qu’il est à bord d’un navire, agit à titre de préposé du navire et de son propriétaire et exploitant qui, par conséquent, demeurent responsables des dommages découlant de la négligence du pilote, malgré le fait que le pilotage est obligatoire.

Bon nombre de lois nationales (énumérées) prévoient l’indemnisation entière du pilote et du fournisseur de service de pilotage pour les actes accomplis de bonne foi et dans l’exercice des fonctions du pilote. Dans d’autres ressorts, un plafond bas est fixé pour la responsabilité civile du pilote (en général 1 000 unités de la devise locale). La pratique du Canada est conforme à cette dernière approche. Plusieurs pays rendent aussi le pilote responsable au titre du montant des frais de pilotage pour le voyage lors duquel l’incident a eu lieu, ce qui constitue peut-être un geste symbolique puisque, de manière générale, le recouvrement des dommages-intérêts auprès des pilotes est difficile.

Par conséquent, l’approche adoptée dans la Loi sur le pilotage semble fiable et à jour. Elle correspond de près aux modèles législatifs qui prévalent dans l’ensemble des pays développés, dont certains sont très récents. Tandis que le statu quo est généralement viable, Transports Canada pourrait envisager de lever le plafond en matière de responsabilité afin d’inclure le montant des frais de pilotage versés.

Peines et sanctions administratives : Les atteintes à la Loi sur le pilotage ainsi qu’à ses règlements d’application prévoient des peines comparativement faibles : jusqu’à 5 000 $ pour procéder sans pilote dans un secteur où le pilotage est obligatoire, ainsi que pour d’autres contraventions à la Loi et à ses règlements d’application; jusqu’à 10 000 $ par jour pour refuser de fournir des services de pilotage pendant la durée de validité d’un contrat ou au cours des négociations en vue du renouvellement d’un contrat. La Loi prévoit des sanctions administratives au titre des brevets de pilote et des certificats de pilotage par une Administration pour un ensemble de causes prescrites. Un recours auprès du ministre est prévu lorsqu’un brevet ou un certificat a fait l’objet d’un refus ou d’une sanction. Le client a demandé si les niveaux de peines imposés sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire sont adéquats et si un régime de sanctions administratives pécuniaires devrait être créé, comme solution de rechange à la poursuite.

La Loi sur le pilotage et les règlements actuels contiennent peu d’interdictions. Les peines maximales prévues à la Loi sur le pilotage se situent sous le plafond des régimes de sanctions administratives pécuniaires des lois ministérielles, particulièrement pour les infractions perpétuées par les bâtiments et les entreprises (le plafond habituel des régimes de sanctions administratives pécuniaires est de 25 000 $). Avec des peines aussi faibles, il est probable qu’une Administration de pilotage n’engage une poursuite que dans les cas les plus graves.

Afin d’assurer une harmonisation avec d’autres régimes ministériels, la peine maximale conformément à la disposition d’infraction générale pourrait désormais s’élever à 25 000 $, du moins pour les entreprises et les bâtiments. La peine pour le refus de fournir des services de pilotage (jusqu’à 10 000 $ par jour) semble adéquate, compte tenu du fait qu’il y a des intérêts composés calculés quotidiennement. La suspension ou l’annulation d’un brevet/certificat (ou d’une interdiction relative à la présentation d’une demande éventuelle) devrait probablement être ajoutée aux peines qu’un tribunal pourrait imposer.

Outre ces changements aux dispositions de détermination de la peine, il existe un besoin manifeste pour ce qui est de l’établissement de moyens nouveaux, rapides et moins onéreux en vue de poursuivre dans les cas mineurs. Au sein du gouvernement fédéral, on compte deux types de régimes fondés sur les procès-verbaux pour répondre aux violations des exigences réglementaires : les procès-verbaux conformément à la Loi sur les contraventions; ainsi que les divers régimes de sanctions administratives pécuniaires adoptés en vertu de lois individuelles. Ces mesures ne remplacent pas le processus de déclaration de culpabilité par procédure sommaire, mais créent une nouvelle option procédurale pour traiter les infractions (une fois désignées dans la réglementation à titre de « contraventions » ou de « violations »). Le document décrit les deux systèmes et présente leurs points forts et leurs limites respectives.

Des arguments ont été soulevés à la fois pour l’utilisation de la Loi sur les contraventions et pour la création d’un nouvel outil autonome de sanctions administratives pécuniaires qui serait géré par les quatre administrations de pilotage. Le grand intérêt à l’égard du système de procès-verbaux de la Loi sur les contraventions découle du fait que l’infrastructure juridique et administrative de base est déjà en place. La création d’un système de sanctions administratives pécuniaires, comprenant une échelle mobile des peines, offre une solution plus exhaustive et souple que les procès-verbaux. Cependant, cela requiert un investissement plus important pour le renforcement des capacités, notamment la formation du personnel et l’élaboration de tableaux des peines. Cette option présente également un défi beaucoup plus grand : comment intégrer le régime de sanctions administratives pécuniaires au processus de sanctions administratives actuel pour les brevets et les certificats de pilotage. L’intégration des deux options pourrait nécessiter une restructuration complète du système de sanctions actuel. L’ampleur de la tâche pourrait l’emporter sur les avantages.

Conformément au système actuel, les personnes dont les documents ont fait l’objet de sanctions par une Administration ou à qui l’on a refusé la délivrance d’un brevet ou d’un certificat peuvent demander une révision de la décision par le ministre, qui prend la décision finale. Il est difficile d’établir un fondement pour garder intact le rôle du ministre dans de tels cas. Ces cas devraient probablement être aiguillés vers le Tribunal d’appel des transports du Canada, peu importe si la mise en œuvre de l’option du régime de sanctions administratives pécuniaires est recommandée ou non.   

Financement autonome : Le paragraphe 33(3) de la Loi sur le pilotage prévoit, pour une Administration, que les droits de pilotage « doivent lui permettre le financement autonome de ses opérations et être équitables et raisonnables ». Le financement « autonome » n’est pas défini dans la Loi. Lorsque des frais de pilotage sont contestés devant l’Office des transports du Canada, les Administrations doivent défendre les frais en démontrant que les tarifs établissent un équilibre adéquat entre le besoin organisationnel d’être financièrement autonome et le caractère raisonnable et équitable à l’endroit des utilisateurs. Certains groupes de l’industrie ont fait valoir qu’une Administration avait ignoré les occasions de réduire les coûts et d’accroître l’efficacité de ses opérations, se fondant plutôt sur le recours à des pouvoirs de coercition pour atteindre une sécurité financière au détriment de l’industrie. Les arbitres disposent également de peu de directives lorsqu’ils choisissent parmi les dernières offres pour un contrat de louage de services de pilotage dont les répercussions financières sur une Administration régionale pourraient être importantes.

Le rapport porte sur la question de savoir si la Loi devrait inclure une définition du « financement autonome » ou autrement clarifier les critères relatifs à la fixation des tarifs (et le choix de la dernière offre), au bénéfice de toutes les parties, à savoir les utilisateurs, les Administrations et l’Office des transports du Canada. Une option est élaborée en annexe. 

Les sociétés d’État sont divisées entre entités « dépendantes », « autonomes » et « prêteuses ». Le terme « financièrement autonome » n’est pas défini dans la Loi sur la gestion des finances publiques. Lorsque les termes « autonome » ou « autonomie » sont utilisés dans les lois habilitantes des sociétés d’État, ils ne sont pas habituellement définis dans la législation. De manière générale, la législation définissant tout au plus un concept général, consolidé par le fait que la société d’État ne peut recevoir des crédits parlementaires.

L’une des raisons pour lesquelles les lois habilitantes renvoient à l’autonomie sans toutefois définir le terme est que le gouvernement dispose de nombreux leviers administratifs afin que les sociétés se conforment : exigences en matière d’élaboration et de présentation des plans organisationnels et des plans d’immobilisations aux fins d’approbation par le Conseil du Trésor, lettres ministérielles annuelles énumérant les attentes et les priorités relatives à la société et même le pouvoir ministériel de donner des directives, qui est rarement utilisé.

Lorsque les Administrations de pilotage ne sont pas autonomes, cela peut s’expliquer par une lacune évidente sur le plan de la gestion. L’examen spécial de l’Administration de pilotage de l’Atlantique éprouvant des difficultés financières qui a été effectué récemment par le Vérificateur général démontre que l’échec de l’atteinte de la santé financière est attribuable aux systèmes internes inadéquats en matière d’établissement de prévisions et de budgétisation. Il ne s’agit donc pas de problèmes qu’une loi peut résoudre.

Confronté au libellé non limitatif du paragraphe 33(3), l’Office des transports du Canada n’a pas hésité à interpréter et à élargir les intentions du gouvernement à l’égard de l’autonomie. En effet, l’Office des transports du Canada a élaboré un ensemble de précédents et de principes visant à orienter ses examens des tarifs. Dans le rapport, on fait valoir que cela pourrait être perçu comme une avancée positive, malgré le fait que l’Office des transports du Canada a refusé les tarifs de pilotage à plusieurs occasions. Dans l’éventualité où ces décisions ont du sens pour les intervenants et les Administrations, sont conformes à celles appliquées dans l’ensemble des régions et qu’elles ont réussi à influencer le comportement subséquent des Administrations, il est difficile d’établir qu’une lacune en matière de politique exige l’adoption d’une nouvelle mesure législative.

Avant de décider que de plus amples directives pour les parties sont nécessaires, le Ministère devrait examiner attentivement l’ensemble des décisions actuelles de l’Office des transports du Canada, afin de déterminer exactement où l’Office s’est trompé. Si la décision de modifier les dispositions fixant les tarifs à l’article 33 est prise, de nouvelles dispositions pourraient être utilisées pour limiter ou orienter l’Administration lorsqu’elle fixe un tarif. Lorsqu’un tarif est contesté, l’Administration devra démontrer comment son tarif respecte la définition, les conditions ou les normes imposées. Par ailleurs, les dispositions pourraient être orientées vers l’Office des transports du Canada, pour diriger ou limiter le pouvoir décisionnel de l’Administration lors de l’arbitrage d’une contestation à l’endroit d’un tarif. La décision de l’Office des transports du Canada devra démontrer que ces facteurs ont été pris en considération. L’imposition de l’obligation de prendre en compte des facteurs est entièrement conforme au concept de prise de décisions indépendante d’un tribunal quasi judiciaire. Des exigences plus rigoureuses pourraient être établies pour les Administrations, mais elles pourraient ne pas convenir à un tribunal indépendant. Ces idées sont élaborées davantage dans l’annexe.

La prudence s’impose également quant à l’intervention lors du choix de la dernière offre. Dans le cadre des négociations contractuelles, les deux parties harmonisent les règles du jeu, en fonction d’une dépendance mutuelle, sans qu’aucune partie ne bénéficie d’un avantage inhérent. Le processus pourrait être miné si les deux parties savent que lorsque les négociations ont échoué, l’arbitre a reçu la directive d’accorder une attention particulière au financement autonome de l’Administration.