Rapport au Parlement - Loi sur la responsabilité en matière maritime, Partie 5 : Responsabilité en matière de transport de marchandises par eau 14947F

I Objet

Le présent Rapport au Parlement, rédigé en vertu de la Partie 5 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime ( LRM ), détermine si les règles de Hambourg doivent remplacer les règles de La Haye-Visby en tant que droit canadien en matière de responsabilité pour les cargaisons transportées par voie maritime. L’article 44 de la LRM exige que le ministre des Transports dépose ce rapport avant le 1er janvier 2015.

II Introduction

La LRM regroupe dans une seule et même loi tous les régimes canadiens en la matière, y compris la responsabilité de l’armateur en cas de cargaison perdue ou endommagée. La législation canadienne concernant la responsabilité relative aux cargaisons repose sur une convention internationale de 1968 connue sous le nom de règles de La Haye‑VisbyFootnote 1 , et ce, bien que le Canada n’ait jamais officiellement ratifié ces règles ni leurs prédécesseurs, les règles de La Haye de 1924. Les règles de La Haye-Visby établissent les droits, les devoirs et les obligations des parties pour certains contrats relatifs au transport maritime des marchandises, y compris les droits du transporteur de restreindre sa responsabilité si la cargaison est endommagée alors qu’elle se trouve à bord d’un bâtiment.

Toutefois, la LRM renferme également des dispositions visant à ce que les règles de Hambourg remplacent les règles de La Haye-Visby et stipule que le ministre doit périodiquement envisager un tel remplacement et informer le Parlement de ses conclusions. Trois rapports à cet égard, réalisés en 1999, en 2004 et en 2009, ont conclu que le Canada devait, pour le moment, poursuivre ses activités en fonction des règles de La Haye‑Visby, et ce, afin de maintenir l’uniformité avec la plupart de ses principaux partenaires commerciaux.

III Historique des règles de Hambourg

En 1976, la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international ( CNUDCI ) a parachevé l’ébauche d’une nouvelle convention sur le transport des marchandises par mer. La Convention des Nations Unies de 1978 sur le transport des marchandises par mer, qui a été finalisée et adoptée à l’occasion d’une conférence diplomatique tenue à Hambourg, en Allemagne, est mieux connue sous le nom de règles de Hambourg.

Les règles de Hambourg sont considérées par plusieurs États, en particulier ceux qui, comme le Canada, sont principalement des consommateurs plutôt que des fournisseurs de services de transport, comme une amélioration par rapport aux règles de La Haye‑Visby, et ce, pour les raisons suivantes:

  • elles prolongent la période de responsabilité d’un transporteur en cas de cargaison perdue ou endommagée afin d’inclure la période totale au cours de laquelle les marchandises relèvent de sa responsabilité, plutôt que seulement lorsque les marchandises se trouvent à bord du bâtiment;
  • elles établissent la responsabilité du transporteur lorsqu’un retard dans la livraison entraîne des pertes économiques;
  • elles imposent au transporteur la responsabilité de prouver que toutes les mesures raisonnables possibles ont été prises pour éviter les dommages et les pertes plutôt que d’obliger le demandeur à prouver la négligence du transporteur;
  • elles s’appliquent à divers documents de transport par mer auxquels les règles de La Haye-Visby ne s’appliquent pasFootnote 2 ;
  • elles relèvent les limites de la responsabilité du transporteur.

Une étudeFootnote 3 financée par Transports Canada et réalisée en 1982 conclut également que les règles de Hambourg représentent une amélioration par rapport aux règles de La Haye‑Visby et que le Canada devrait les adopter. Cela a mené à l’examen de la loi canadienne de l’époque, la Loi sur le transport des marchandises par eau de 1936 qui était fondée sur les règles de La Haye de 1924.

En 1984, Transports Canada a publié un document de travail qui recommandait que le Canada adopte les règles de Hambourg. Les expéditeurs étaient en faveur de cette recommandation, mais les transporteurs océaniques et leurs assureurs, les assureurs des cargaisons et les juristes ont privilégié l’adoption des règles de La Haye-Visby. Les transporteurs océaniques ont soulevé la possibilité que les règles de Hambourg puissent accroître les frais d’expédition et de litige, étant donné que la jurisprudence fondée sur les règles de La Haye ne s’appliquerait plus.

Des consultations publiques approfondies ont permis de convenir que le Canada adopte une approche à deux volets en mettant immédiatement en œuvre les règles de La Haye‑Visby, assorties d’une disposition assurant l’entrée en vigueur des règles de Hambourg lorsqu’un nombre suffisant de partenaires commerciaux importants du Canada les auront ratifiées. Cette approche a été intégrée dans la Partie 5 de la LRM .

IV Développements internationaux

Les règles de Hambourg sont entrées en vigueur en novembre 1992, 14 ans après leur adoption par les Nations Unies. À ce jour, 34 États les ont ratifiées, mais le Canada et d’autres grandes nations commerçantes n’y ont pas adhéré, ni ne les ont complètement intégrées dans leur législationFootnote 4 . Le délai de 14 ans entre l’adoption et l’entrée en vigueur de ces règles montre à quel point les États hésitent à les adopter.

À l’heure actuelle, les règles de Hambourg s’appliqueraient à une très petite partie du commerce international maritime. Les 34 États ayant ratifié les règles de Hambourg ne représentaient que 4 % du commerce maritime canadien en 2013. En revanche, les 93 États qui sont parties aux règles de La Haye ou aux règles de La Haye‑Visby représentaient environ 50 % du commerce maritime canadien (voir l’annexe 1 pour obtenir de plus amples renseignements). Le pourcentage serait encore plus élevé si on incluait les États qui, comme le Canada, avaient mis en œuvre les règles de La Haye ou les règles de La Haye‑Visby sans toutefois les ratifier.

À l’origine, on avait espéré que les règles de Hambourg constituent le régime international permettant d’atteindre l’uniformité dans la responsabilité relative aux cargaisons. Malheureusement, le manque de soutien de la part de la communauté internationale fait en sorte qu’elles ne sont plus considérées comme une solution de remplacement viable des règles de La Haye-Visby. Par conséquent, certains États, dont le Canada, ont demandé l’élaboration d’une convention moderne et fondée sur la technologie de pointe pour contrer le manque d’uniformité.

  Échanges commerciaux maritimes canadiens* selon le régime de responsabilité des partenaires commerciaux

Le graphique décrit le commerce des marchandises par eau du Canada dans le contexte des régimes de responsabilité civile des partenaires commerciaux. À l'heure actuelle, 3 pourcent du commerce par eau du Canada a lieu avec des pays parties aux Règles de Hambourg, 25 pourcent avec des pays parties aux règles de La Haye, et 38 pourcent avec des pays parties aux règles de Lahaye-Visby. Le reste - 35 pourcent - du commerce par eau du Canada est fait avec des pays souscrivant à d'«autres» régimes de responsabilité civile, notamment des régimes nationaux et régionaux.

*Fondés sur la valeur en dollars des marchandises transportées par voie maritime en 2013.
**D’autres États, comme le Canada, ont intégré dans leur législation nationale les règles de La Haye-Visby ou une combinaison des règles de La Haye-Visby et des règles de Hambourg (par exemple, la Chine) sans toutefois ratifier l’une ou l’autre des conventions.

Le Comité maritime international ( CMI )Footnote 5 a entrepris la rédaction de l’ébauche initiale d’un tel instrument, ce qui a mené en 2001 à l’établissement par la CNUDCI du Groupe de travail sur le droit des transports, lequel visait à formuler une nouvelle convention internationale sur le transport des marchandises par mer. En décembre 2008, l’Assemblée générale des Nations Unies ( ONU ) a adopté la Convention sur les contrats pour le transport international des marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer. La portée de la nouvelle convention est beaucoup plus vaste que celle de ses trois prédécesseurs étant donné qu’elle s’applique à tous les mouvements de marchandises depuis leur point d’origine jusqu’à leur destination, à condition toutefois qu’il s’agisse d’un parcours maritime international. De plus, ses 96 articles (comparativement à cette convention, les règles de La Haye‑Visby n’en comptent que 10 et les règles de Hambourg, 34) couvrent un éventail élargi de sujets et s’appliquent à un plus grand nombre de documents de transport maritime ( y compris des documents électroniques) que ses prédécesseurs.

Le 23 septembre 2009, cette nouvelle convention a été ouverte à la signature à l’occasion d’une cérémonie de l’ ONU qui a eu lieu à Rotterdam, aux Pays‑Bas; elle est depuis appelée les règles de Rotterdam. Ce jour-là, 16 États ont signé la conventionFootnote 6 , et neuf autres ÉtatsFootnote 7 l’ont signée par la suite, tous en attente de ratification. Si 20 de ces 25 États ratifient les règles de Rotterdam, celles‑ci entreront en vigueur à l’échelle internationale. Ensemble, ces 25 États représentent 28 % du commerce maritime canadien.

À ce jour, seulement trois États (le Congo, l’Espagne et le Togo) ont ratifié les règles de Rotterdam, et rien n’indique que d’autres États emboîteront le pas, à moins que les États‑Unis ne le fassent. Cette situation est semblable à celle des règles de Hambourg dans le contexte où 21 États, dont les États-Unis et d’autres grands États commerçants, ont signé ces règles en attente de ratification, mais ne les ont jamais ratifiées. Seuls sept États ayant signé les règles de Hambourg les ont par la suite ratifiées, et les 27 autres ne les ont pas signées. Si tous les États ayant signé les règles de Hambourg les ratifiaient, ces États représenteraient environ 35 % du commerce maritime canadien actuel.

Transports Canada a abondamment consulté les intervenants du transport maritime canadien durant les négociations relatives aux règles de Rotterdam. L’opinion des intervenants est partagée sur la question de savoir si le Canada doit ou non signer et, éventuellement, ratifier la convention. Le Canada n’a pas signé la nouvelle convention, mais le 15 septembre 2009, Transports Canada a informé les intervenants que le Ministère surveillerait étroitement l’acceptation internationale des règles de Rotterdam afin de s’assurer que nos lois sur la responsabilité relative aux cargaisons cadrent avec celles de nos principaux partenaires commerciaux.

L’absence d’une convention unique et acceptée de tous en matière de responsabilité pour les cargaisons transportées par voie maritime a encouragé divers États à moderniser leurs lois en fonction des règles de La Haye‑Visby (comme le Royaume-Uni et l’Allemagne) ou en adoptant des lois hybrides fondées sur les règles de Hambourg et les règles de La Haye-Visby (comme la Chine, le principal partenaire commercial maritime du Canada). Certains États ayant modernisé leurs lois se préparent également à mettre en œuvre les règles de Rotterdam afin d’être en mesure d’adopter ces règles rapidement si les États‑Unis les ratifient.

V Conclusion

Malgré leurs lacunes, les règles de La Haye-Visby demeurent le régime de responsabilité pour les cargaisons transportées par voie maritime le mieux à même d’appuyer l’objectif du Canada de maintenir l’uniformité avec nos principaux partenaires commerciaux. Aucune mesure ne doit être prise en vertu de l’article 44 de la LRM en vue de mettre en œuvre les règles de Hambourg au cours de la prochaine période d’examen qui prendra fin le 1er janvier 2020.

Au cours de la période menant à l’examen de 2020, Transports Canada, en consultation avec des intervenants, poursuivra son analyse de l’ensemble des lois portant sur le transport de marchandises par mer au Canada et formulera des recommandations visant à les moderniser afin que le Canada tienne son engagement d’uniformité avec les lois de ses principaux partenaires commerciaux.

ANNEXE 1

RÈGLES DE LA HAYE OU DE LA HAYE VISBY
Pays % du commerce maritime canadien
États-Unis 17,92 %
Allemagne 4,70 %
Royaume-Uni 3,85 %
Pays-Bas 2,76 %
Norvège 2,54 %
France 1,95 %
Italie 1,87 %
Algérie 1,74 %
Belgique 1,11 %
Russie 0,83 %
Espagne 0,68 %
Nigéria 0,60 %
Malaisie 0,57 %
Pérou 0,55 %
Finlande 0,53 %
Hong Kong 0,47 %
Cuba 0,45 %
Suède 0.44 %
Singapour 0,43 %
Pologne 0,35 %
Suisse 0,32 %
Danemark 0,27 %
Égypte 0,24 %
Trinité-et-Tobago 0,24 %
Irlande 0,23 %
Autre 3,87 %
Total 49,52 %
RÈGLES DE HAMBOURGS
Pays % du commerce maritime canadien
Kazakhstan 1,12 %
Nigéria 0,60 %
Chili 0,57 %
Autriche 0,49 %
Égypte 0,24 %
Maroc 0,19 %
Tunisie 0,14 %
République tchèque 0,13 %
Roumanie 0,10 %
Hongrie 0,09 %
République dominicaine 0,08 %
Barbade 0,07 %
Malawi 0,07 %
Kenya 0,04 %
Liban 0,04 %
Tanzanie 0,03 %
Jordanie 0,03 %
Guinée 0,03 %
Cameroun 0,02 %
Burkina Faso 0,02 %
Géorgie 0,02 %
Albanie 0,02 %
Sénégal 0,01 %
Ouganda 0,01 %
Zambie 0,01 %
Paraguay 0,01 %
Autre 0,01 %
Sous-total 4,17 %
PERSONNALISÉ
Pays % du commerce maritime canadien
Chine 19,88 %
Brésil 1,94 %
Inde 1,70 %
Autre 22,78 %
Sous-total règles de Hambourgs 4.17 %
Total 50,48 %

*Selon le Yearbook 2013 Annuaire, Comité maritime international, pages 599 à 606.
**La catégorie « personnalisé » s’applique aux États qui n’ont ratifié aucune convention sur le transport des marchandises.

Footnotes

Footnote 1

Convention internationale pour l’unification de certaines Règles en matière de connaissement conclue à Bruxelles le 25 août 1924 et modifiée par le Protocole conclu à Bruxelles le 23 février 1968

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Footnote 2

Les Règles de La Haye-Visby s’appliquent seulement « au contrat de transport constaté par un connaissement ou par tout document similaire formant titre ».

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Footnote 3

« L’avenir de la Loi canadienne sur le transport des marchandises par eau », Programme des études océaniques de l’Université Dalhousie

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Footnote 4

CNUDCI

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Footnote 5

Le CMI est un organisme sans but lucratif découlant de l’association de 52 États, sur le plan du droit maritime international, qui contribue à l’élaboration de la plupart des conventions maritimes internationales de l’ONU et de l’Organisation maritime internationale.

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Footnote 6

Congo, Danemark, Espagne, États-Unis, France, Gabon, Ghana, Grèce, Guinée, Nigéria, Norvège, Pays Bas, Pologne, Sénégal, Suisse et Togo.

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Footnote 7

Arménie, Cameroun, Guinée-Bissau, Luxembourg, Madagascar, Mali, Niger, République démocratique du Congo et Suède.

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